Arménie. Terre vivante au coeur du Caucase

Ardillier-Carras Françoise - Balabanian Olivier -

GLENAT







Extrait

Avant-propos Le 21 septembre 1991, l'Arménie devient république indépendante. Ce petit pays du Sud Caucase entre alors dans une ère nouvelle de son histoire. Délicat mouvement à la charnière de deux périodes, le passage est brutal et fait basculer, du jour au lendemain, un pays et ses habitants de l'enfermement soviétique marqué par soixante-dix années de collectivisme, à l'ouverture vers l'extérieur et l'économie de marché. C'est précisément pour saisir et comprendre le mécanisme de la transition, où s'entremêlent fragilité et doutes, douleurs et espoir, que nous nous sommes engagés sur un itinéraire inconnu, dans l'Arménie d'aujourd'hui. «Le plus difficile n'est pas de poser les pieds en Arménie, ni de la quitter, mais de ne pas y revenir.» On nous avait pourtant prévenus. Boutade sans intérêt, pensions-nous alors, en 1997. Pour nous, géographes universitaires, l'Arménie se présentait comme un terrain de recherches scientifiques, un objet géographique mal connu, riche, plein d'attraits, ne serait-ce que par la diversité des thèmes à étudier. La curiosité, naturelle pour le géographe, allait nous réserver bien des surprises; jamais, alors, nous n'aurions pu imaginer tout ce qu'arménien signifie. Vraisemblablement devons-nous beaucoup à saint Grégoire l'Illuminateur, Sourp Grigor Loussavoritch, celui qui, en 301, convertit le roi d'Arménie au christianisme. Il nous inspira, sans nul doute, l'impression qui nous saisit, dès l'entrée au «karastan», le pays des pierres. Cheminant pas à pas à la découverte des lieux, nous entrâmes, tout simplement pourrait-on dire, dans l'intimité des Arméniens tant sont puissants les liens de l'hospitalité. Tantôt comblés par l'extraordinaire beauté des paysages de montagne, quand l'oeil du géographe se fait poète ou photographe, tantôt bousculés dans nos idées préconçues sur les héritages soviétiques, et présoviétiques, portés par ce peuple, tantôt profondément touchés et émus par ce mélange de détresse et de générosité, en tous lieux, à la ville comme à la campagne, les couleurs de notre parcours ressemblaient à la palette d'un peintre, toute de nuances et de contrastes. La géographie se mit alors à l'écoute des hommes, oubliant ses théories, les rapports officiels et les litanies statistiques. Pour un tel parcours, au plus profond des villages et au coeur des familles, il faut se faire humble et déposer à la porte des habitations où l'on est invité à entrer, tout ce qu'on a pu accumuler de connaissances ou d'incompréhensions. Nous venions pour connaître, nous étions en apprentissage. Les réalités, au quotidien, parmi les plus secrètes, nous sont apparues progressivement derrière le filtre de la pudeur ; faiblesses humaines, errements et échecs, obstinations et réussites, et le magnifique orgueil des Arméniens, leur fierté irréductible face à l'adversité, aux malheurs du temps, et leur raison d'exister pour l'avenir des enfants et du pays. Le langage, aussi, nous fut conté. S'exprimer dans la langue de Mashtots et, qui plus est, en arménien oriental nous a coûté des efforts que l'on pourrait qualifier de louables, comme le sont en général les efforts, mais dont les résultats, loin de nous satisfaire, étaient pourtant salués par ceux qui jugeaient de notre difficulté à mener à la fois nos préoccupations scientifiques de terrain et celles, linguistiques, imposées par les exigences des échanges «en direct» avec les habitants. Mais c'est peut-être le langage du coeur qui permit de comprendre véritablement la respiration du pays.



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EAN
9782723496421
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