Se survivre

Autréaux Patrick

VERDIER

Se survivreEn a-t-on jamais fini?Il y a ce qu'on oublie de dire et qu'on se rappelle plus tard, quand on commence d'écrire - quand on s'imagine guéri.Une scène du voyage, dont on croyait saisir le sens et qui s'embrume avec le temps pour devenir cette métaphore don ne sait trop quoi.Depuis mon hospitalisation en urgence un soir, après qu'on m'eut annoncé que les douleurs sans cause dont j'avais souffert depuis des mois étaient en fait un cancer, j'étais devenu un habitant de ce rien qui entoure tout.Au-dessus des bruits du monde et des nuées d'explications qu'on essaie de rassembler pour faire face, il y a un espace où les dieux ne vivent pas, où on n'entend plus rien des panthéons et des chants, où les échos cohérents de la vie ne sont pas perçus, non qu'ils se soient éteints, ils ne nous concernent plus.On peut ne pas s'apercevoir immédiatement qu'on y est entré, mais à force de zigzags en fauteuil roulant, de murs contre lesquels on est laissé, d'étoiles qu'on voit percer dans la douleur, à force d'attendre et d'épier, de n'en plus pouvoir d'essayer de lire les visages, on renonce à tenter de rien déchiffrer. Certains nomment cela solitude.Deux semaines se sont écoulées.Je croyais mourir, je suis encore là. Le bilan vient de s'achever. On va peut-être me guérir.Le mot chimiothérapie effraie les proches.A moi, il ne fait rien. Il est dur, basaltique comme une nécessité.Quand l'hématologue termine la description du protocole dans lequel je vais être inclus, il demande si j'ai envisagé d'avoir des enfants, parce que sans doute le traitement me rendra stérile.Ce mot, lui, est inattendu. Un peu comme une trompette de carnaval dans un cimetière. Tout va très vite. Le médecin est concis, le protocole assez routinier. Proposer un prélèvement de sperme fait partie de la conduite à tenir.Je vais donc survivre? Je ne pose pas cette question. Vivre n'est pas survivre.- Si je compte avoir un enfant? Non.Ce que j'entends brusquement comme un symbole. Ce qu'il cache? Encore une question inutile. Laisser agir les symboles. Quand la pensée ne peut plus servir, il n'y a que la métaphore pour nous aider, nous soutenir.Le médecin répète:- Vous ne savez pas. Plus tard, vous pourriez le regretter. S'opposer à quoi que ce soit m'inquiète. Ce qui arrive est si exceptionnel que je dois tout accepter, me dis-je. Et abandonner les idées d'avant sur ma vie, sur qui je crois être.Est-ce que j'ai souhaité avoir un enfant? Est-ce que je me suis même posé cette question, dont la réponse a toujours semblé évidente? Parce qu'au fond j'aurais pu.

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EAN
9782864327172
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