Temps et mélancolie. Après coup, l'adolescence

Balsan Guillemette - Golse Bernard

L'HARMATTAN

"J'ai toujours eu la conscience intime d'être un malade du temps. Je sens le temps fuir... j'ai l'impression de marcher à reculons, comme une sensation de vide négatif. Telle une épave, je cherche désespérément un rivage où échouer, mais je n'y parviens pas... Sous le poids du remord et des regrets, je me raccroche au passé, avec la solide conviction que je ne changerai jamais.... Je n'ai plus ce quelque chose qui projette vers l'avant." (Eugène Minkowski) En 1933, le psychiatre Eugène Minkowski rapporte les plaintes d'un jeune adulte dans son oeuvre, Le Temps vécu, qui introduit en France la première description phénoménologique de la dépression. Cette approche existentielle situe le trouble du temps vécu, ici admirablement illustré, au fondement de la mélancolie. Ainsi, à partir de cette clinique centrée sur la stagnation du temps vécu, seront ensuite interrogés dans une perspective psychanalytique les rapports du temps à la mélancolie. L'on tentera alors de déceler, à l'appui d'une compréhension de la statique mélancolique comme temps de l'absence, un levier thérapeutique, à entendre comme dynamique, réanimation du psychisme "gelé", selon une terminologie empruntée à Pierre Fédida. C'est peut-être, à l'invite de ce dernier, octroyer quelques "bienfaits" à la dépression : une façon de s'accorder au patient ; se faire creux pour accueillir une parole donnant corps à l'informe ; mise en sens, sensorielle et sémantique, "respiration du temps, échange incessant de la vie du passé et de la vie à venir, de la survivance et du désir qui en naît." (G. Didi-Huberman) Continuum ou hiatus, de la mélancolie à la dépression, de la capacité dépressive à la seconde latence, paradigme de l'adolescence, adulescens toujours en cours chez l'adulte : le temps de renoncement et d'élaboration, comme état de chaos et de créativité, propice aux remaniements où s'origine le processus de temporalisation-subjectivation, rejouant identités et identifications. Aller à la rencontre du sujet mélancolique : esthétique commune aux relations intersubjectives, à la poésie, et au rêve, comme ouverture pour advenir, brèche, faille du désir s'alimentant au manque, éprouvé de la présence de l'absence. "La mer qui se retire, une vague encore s'allonge sur la dune et dépose, dans l'écume, alors que point le jour, le nacre d'une larme." (B. Balsan)
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EAN
9782343130569
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