Anesthésie et analgésie locorégionale en chirurgie abdominale et périnéale

Beaussier Marc - Niccolaï Patrick

ARNETTE EDITION

Extrait de l'introduction de Jean-Jacques EledjamL'anesthésie locorégionale (ALR) n'échappe pas à ce paradoxe qui consiste à présenter comme techniques d'avenir des méthodes fort anciennes. Les premières traces en sont en effet retrouvées dès l'Antiquité avec les Égyptiens qui, déjà, pratiquaient la compression des nerfs périphériques pour provoquer l'«insensibilité locale» ou locorégionale. Diverses techniques, dont la réfrigération locale, devaient suivre jusqu'à la découverte puis à la synthèse de la cocaïne et à sa première utilisation comme agent anesthésique local par Sigmund Freud et son élève Carl Koller, en 1884, relayés par Bier en 1899 puis Sicard en 1901. Depuis lors, la recherche a porté sur la mise au point d'agents moins toxiques et d'action rapide et/ou prolongée. Ces étapes sont jalonnées par la synthèse de la procaïne et, surtout, de la lidocaïne (Löfgren et Lundqvist, 1943), de la bupivacaïne (Ekenstam, 1957) et de l'étidocaïne (Takman, 1971) puis, plus récemment, par l'aboutissement d'une forme galénique originale avec la crème EMLA. La ropivacaïne, désormais très utilisée en France, représente l'un des plus récents développements en matière d'anesthésiques locaux.Très rapidement, dès le début du XXe siècle, les pionniers pressentaient les avantages, toujours parfaitement d'actualité, des techniques d'ALR: emploi d'agents peu toxiques à faible dose, conservation de la conscience simplifiant la période du réveil post-anesthésique et permettant de réduire l'incidence d'un certain nombre de complications, sécurité améliorée grâce à la médicalisation de la procédure d'anesthésie... qui échappe désormais aux «dispensateurs de gaz anesthésiants» au profit des chirurgiens. La fin du XIXe et l'orée du XXe siècle constituent l'âge d'or des pionniers de F ALR, qui codifièrent une palette tout à fait impressionnante de techniques dont nous redécouvrons encore l'intérêt: W. Halstead avec les blocs périphériques, L. Corning avec l'anesthésie caudale, A. Bier et G. Tuffier avec la rachianesthésie, J. A. Sicard et F. Pages avec l'anesthésie péridurale. Gaston Labat, enfin, cosignait en 1921 avec ses maîtres Victor Pauchet et Paul Sourdat le célèbre Traité d'anesthésie régionale qui, déjà, décrivait dans le détail l'ensemble de ces techniques, avant d'en améliorer encore la description pratique avec son Régional anesthesia: its techniques and clinical applications, paru en 1923... à New York («Nul n'est prophète en son pays»). Les lettres de noblesse de l'ALR étaient définitivement acquises et quelques décennies de quasi-oubli ne pourraient empêcher le renouveau de ces techniques et leurs avancées actuelles. Devant les développements et les immenses progrès de l'anesthésie générale et, il faut bien le reconnaître, faute de pratiquants et de véritable école d'ALR, l'anesthésie locorégionale devait ensuite céder le pas pour ne réapparaître, d'abord timidement, qu'après le second conflit mondial puis, de manière beaucoup plus importante, avec l'individualisation et l'autonomisation de l'anesthésie en tant que spécialité médicale. L'essor considérable de l'analgésie obstétricale devait plus tard également y contribuer. La recherche fondamentale et appliquée, les découvertes de l'industrie pharmaceutique faisaient ensuite progresser l'efficacité et la sécurité de l'ALR.

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EAN
9782718412283
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