Robin
Thomas Bernhard avait déclaré à un journaliste qui l’interviewait que lorsqu’il voulait rire, il lisait un de ses livres. Celui-ci est, selon moi, le plus drôle d’entre eux.
Sous titré « Comédie », le "Maitres Anciens" de Bernhard est un chef-d’œuvre littéraire qui porte à son paroxysme l’art de la répétition qu’a cultivé l’auteur dans le développement de son inimitable « style irrité ». Le passage fameux dans lequel un des personnages évoque le profond dégoût qu’il éprouve pour Heidegger, « une tête kitsch, un faible penseur pré-alpin » est d’une drôlerie jouissive.
« De quoi ça parle ? » me demandent parfois mes proches, quand il m’arrive de me perdre en éloges alambiqués et sibyllins de cet texte magistral, espérant par là me ramener sur terre. J’en suis alors réduit à bredouiller, embarrassé : « Eh bien, c’est un homme, qui attend un autre homme dans un musée devant un tableau du Tintoret. Il pense à sa rencontre prochaine avec l’autre homme, au tableau et au gardien du musée. Puis l’autre homme arrive, et ils discutent. ». Je ne manque alors pas de perdre le peu d’attention blasée qu’ils consentaient encore à m’accorder. C’est comme si l’on prétendait décrire le théâtre de Beckett en expliquant que « En attendant Godot » racontait l’histoire de deux homme qui attendent Godot.
Je me contenterai donc d’écrire ici en conclusion qu’il faut avoir lu Bernhard pour comprendre ce qu’est Bernhard, et que ce livre est une des meilleures portes d’entrée à son œuvre.
Robin