Le monde des teintures naturelles

Cardon Dominique

BELIN







Extrait

PREMIÈRE PARTIE L'ART DE LA TEINTURE Dans les parties suivantes de ce livre, on va trouver de nombreuses descriptions des méthodes de teinture mises au point, à diverses époques, par les teinturières et teinturiers de différents continents pour extraire de leur mieux les colorants des plantes et de certains animaux disponibles dans leur environnement et pour les fixer sur une grande variété de supports, principalement textiles. Ces recettes - on ne tardera pas à le remarquer - présentent souvent des parallèles étonnants d'une civilisation à l'autre. Comment l'expliquer ? Sans doute parce que ces virtuoses de la couleur qu'étaient les teinturiers ont, grâce à leurs dons d'observation, reconnu l'existence de groupes de substances qu'ils avaient avantage à préparer chacun d'une manière différente. Nous savons aujourd'hui que ces distinctions techniques correspondent à des différences de compositions chimiques. La teinture est, effectivement, un domaine de l'activité créatrice humaine où peut se vérifier rapidement, à l'oeil nu, la validité des procédés mis en oeuvre : la couleur apparaît ou n'apparaît pas, reste ou ne reste pas sur la fibre ou le tissu. Pourtant, il ne suffit pas de savoir pratiquer pour pouvoir expliquer tout ce qui se passe. Très tôt, des esprits curieux - pré-alchimistes mésopotamiens, alchimistes grecs et égyptiens - se sont intéressés aux phénomènes de la teinture et ont cherché à en percer les mystères. À l'avènement de la chimie moderne, ces problèmes sont toujours au coeur des préoccupations des chimistes européens des XVIIIe et XIXe siècles : Claude-Louis Berthollet (1748-1822), Michel-Eugène Chevreul (1786-1889), August Wilhelm von Hofmann (1818-1892), William Henry Perkin (1838-1907). Ces recherches mèneront, en fait, à l'invention des teintures synthétiques. À leur tour, les réactions de ces dernières avec les fibres, d'abord naturelles, puis synthétiques elles aussi vont être très étudiées et sont maintenant assez bien comprises. Mais la teinture par les colorants naturels est encore plus complexe. D'abord parce que ces colorants sont constitués de groupes parfois très nombreux de molécules dont beaucoup ne sont pas encore connues. Mais aussi parce que ces molécules colorantes n'ont souvent qu'une faible affinité chimique avec les fibres textiles et qu'il faut employer pour les fixer d'autres substances - «mordants», «adjuvants» - dont le rôle exact, c'est-à-dire les réactions avec les colorants et les fibres ne sont pas encore complètement élucidées. À notre époque où les hommes voyagent dans l'espace et finissent de percer les secrets de l'atome et du génome, il reste donc encore beaucoup de recherches interdisciplinaires à mener pour offrir une explication scientifique assurée de l'ensemble des processus qui permettent de fixer les colorants extraits de tel ou tel organisme vivant sur telle ou telle fibre textile. Parmi les voies d'approche, figure évidemment l'étude approfondie des méthodes traditionnelles de teinture. Aussi, pour permettre de mieux évaluer la validité des procédés anciens décrits dans la suite de ce livre, cette première partie offre d'abord un exposé synthétique des techniques de préparation des fibres textiles et de leur teinture par les colorants naturels, puis retrace les étapes de la découverte et de l'adoption des différents mordants. (...)



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EAN
9782701161433
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