Les guerres de religion, un conflit franco-français (1559-1598)

Carpi Olivia

ELLIPSES







Extrait

En 1562, l'auteur d'un Mémoire sur la pacification des troubles, qui pourrait être Etienne de La Boétie, met en avant les origines religieuses du conflit qui secoue la France depuis déjà quelque temps : Tout le mal est la diversité de religion, qui a passé si avant qu'un même peuple, vivant sous un même prince, s'est clairement divisé en deux parts, et ne faut douter que ceux d'un côté n'estiment leurs adversaires ceux qui sont de l'autre. Non seulement les opinions sont différentes mais déjà ont diverses églises, divers chefs, contraires observations, divers ordres, contraire police en religion : bref, pour ce regard, deux diverses républiques opposées de front l'une l'autre [...]. De ce mal en sortent deux autres : l'un est une haine et malveillance quasi universelle entre les sujets du roi, laquelle en quelques endroits se nourrit plus secrètement, en autres se déclare plus ouvertement mais partout elle produit assez de tristes effets. L'autre est que peu à peu le peuple s'accoutume à une irrévérence envers le magistrat, et, avec le temps, apprend à désobéir volontiers et se laisse mener aux appâts de la liberté, ou plutôt licence qui est la douce et friande poison du monde. De fait, à l'orée de la décennie 1560, l'unité et, avec elle, la stabilité du royaume sont sérieusement ébranlées par la division de ses habitants entre ceux qui adhèrent à la nouvelle religion, le calvinisme, et ceux qui sont restés fidèles à l'ancienne, le catholicisme romain. Il en découle de vives tensions entre les Français, qui s'agressent mutuellement, en paroles et en actes, pour défendre leur foi respective, qu'ils estiment être la seule valable. Cette fracture religieuse est aussi la source d'une agitation préjudiciable à l'autorité monarchique, malmenée par les entreprises des protestants déterminés à vivre leur religion sans entrave, ainsi que par les initiatives des catholiques résolus à éradiquer la terrible menace que constitue à leurs yeux cette «hérésie». Tel est le résultat du développement précoce et rapide, dans le pays, de la dissidence religieuse, avec la diffusion, pendant le règne de François Ier, des idées venues d'Allemagne et de Suisse et favorablement accueillies par beaucoup de contemporains. Or, on n'en reste pas longtemps au stade des débats sur l'interprétation des Écritures. Au prosélytisme intensif des «réformés» et à la formation de communautés clandestines répondent la défense sourcilleuse de l'orthodoxie catholique et la chasse aux «mal sentant de la foi», menées conjointement par le clergé et la royauté. Car le Roi Très Chrétien réagit avec vigueur à la contestation de la religion établie, non seulement en raison de ses opinions personnelles et des obligations qu'il a contractées envers l'Église mais aussi parce qu'il perçoit la nouvelle religion comme un danger pour son propre pouvoir. Cependant, bien que de plus en plus sévère, la répression ne produit pas l'effet escompté. Sous Henri II, la perspective du bûcher n'empêche pas un grand nombre de ses sujets, venus de tous horizons, sociologiques et géographiques, de grossir les rangs des églises calvinistes, qui se sentent bientôt assez fortes pour s'afficher au grand jour. Au tournant des années 1550-1560, en effet, les protestants n'hésitent plus à réclamer des droits équivalents à ceux des catholiques et même, dans certains endroits où ils sont bien implantés, à s'attaquer aux biens, au clergé et aux fidèles de l'Église traditionnelle, afin de lui substituer la leur. La passivité n'est pas de mise non plus chez les catholiques, qui vont jusqu'à s'en prendre physiquement à ceux qu'ils considèrent comme une engeance diabolique. On assiste alors aux premières violences confessionnelles, corollaires d'une politisation croissante du conflit religieux, imputable à l'activisme que déploient, localement et jusqu'auprès du roi, catholiques et protestants, en vue d'obtenir gain de cause.



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EAN
9782729873370
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