Le sang des justes. Vie et mort de Rolland, chef camisard

Chaleil Max

PARIS







Extrait

Extrait de l'avant-propos Né dans un petit village de Gardonnenque, à une lieue du château de Castelnau où fut tué Rolland, j'ai connu, enfant, un climat où la légende le disputait à la fascination pour tout ce qui relevait de la saga camisarde. Ce mot, magique à bien des égards, ne nous était pas alors inconnu, mais curieusement celui de Rolland éveillait en nous de curieuses réminiscences, comme si nous superposions les figures mythiques du héros cévenol et du preux chevalier. Le monument commémoratif qui s'élève entre Brignon et Valence, consacré au souvenir de Rolland et de ses cinq lieutenants, que les gens du pays nomment communément la «pierre de Rolland», ce monument éveillait en nous des peurs paniques; et passant sur la route, en ce lieu désert et boisé, nous forcions l'allure pour ne pas traîner là, la nuit venue. Était-ce que nous pressentions confusément de quel climat d'épouvante et de mort avait été baigné ce petit vallon en cette nuit du 14 août 1704 qui avait marqué la fin d'une épopée ? Cette enfance s'inscrivait ainsi entre un quotidien sans histoire et l'ombre déformée, amplifiée, de l'Histoire. Car deux siècles et demi n'avaient pas suffi à gommer les souvenirs et les différences. Il était ainsi des moments de l'année, principalement quand l'instituteur abordait les leçons d'Histoire traitant des guerres de religion où, à la sortie de l'école, nous nous rangions en ordre de bataille et petits parpaillots d'un côté, petits papistes de l'autre, nous courions les rues du village, jouant à nous étriper et à nous occire. Voilà le climat d'enfance. Le reste, le pays et ses habitants, en parle-rai-je, tant cela tombe sous le sens ? Y étant né, y ayant grandi, je ne pouvais que l'aimer, m'y passionner pour son histoire. Rolland donc longtemps me hanta. Destin fulgurant, intense, mystérieux dont on ne connaît de la trajectoire que l'aboutissement, sa vie publique se ramenant aux trois dernières années : 1702, 1703, 1704. Le reste se résume en bien peu de chose : un acte et un lieu de naissance : 3 janvier 1680 au mas Soubeyran, paroisse de Mialet, non loin d'Anduze; une profession que, d'après diverses affirmations du temps, on peut définir comme celle de cardeur de laine et châtreur de porcs; une expérience militaire, puisque selon une allusion, Rolland, un temps, aurait été dragon. Quelques informations également sur sa famille : parents, grands-parents, frères et soeurs, mais fort chiches en détail, dates et précisions. Comment, dans ces conditions, écrire une vie de Rolland ? Certains avant moi s'y sont essayés, avec des fortunes diverses. On a ainsi quelques brochures sur Pierre Laporte, dit Rolland, allant de l'hagiographie en vers à la célébration en prose mais surtout l'importante étude d'Henri Bosc, publiée en 1954, voilà donc plus de cinquante ans. Rien non plus de nouveau, en ce qui concerne Rolland, dans l'immense travail d'Henri Bosc : La Guerre des Cévennes, extraordinaire mine d'informations pour tout ce qui touche à la guerre des camisards dont rien n'est laissé dans l'ombre.



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EAN
9782846211420
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