La taille des arbres en nuage. Principes et mise

Extrait

Les influences et les inspirations

L'inspiration dans la culture japonaise

L'art de la taille est utile, mais donne aussi un plaisir infini. Pratiqué, selon les cultures, dans un but esthétique ou fructifère, cet art est une création humaine par excellence. Ses règles constituent un savoir précieux, recueilli au fil des siècles par des maîtres-jardiniers. Ceux-ci excellent dans la recherche de formes exceptionnelles privilégiant ou accentuant un déséquilibre naturel sur des arbres. En osmose évidente avec la nature, l'art de détourner, sculpter et calligraphier l'arbre, le transcende en «oeuvre vivante végétale».

Au Japon, cet art traditionnel fait partie de la culture. Ces arbres plantés et taillés dans les jardins, avec méthode, créent certaines illusions de perspective, incitant subtilement le regard à discerner dans l'espace différents niveaux. Pour en comprendre l'origine, il faut remonter vers l'an 300, date à partir de laquelle le Japon s'ouvre aux influences de ses différents envahisseurs comme les Coréens et les Chinois. Ceux-ci véhiculent d'autres courants de pensée, modifiant la religion, l'art et la manière de vivre, jusque dans la conception des jardins. Les jardins japonais s'inspirent alors d'une forme d'expression esthétique paysagée d'inspiration chinoise. Au début des années 600, le prince Shôtoku Taishi, fils de l'empereur du Japon, grand érudit lettré, très proche de la culture chinoise, impose le bouddhisme comme religion d'État. Le culte shinto japonais et le culte bouddhiste chinois unissent alors leurs divinités et leurs croyances dans des lieux mythiques et des jardins. La synthèse entre ces deux tendances religieuses donne alors naissance au jardin japonais à l'époque de Nara, qui est la capitale du Japon pendant tout le VIIIe siècle et haut lieu du culte Shinto (Nara est aujourd'hui inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco). Le shintoïsme a donné à l'art des jardins japonais le sens du sacré. Au-delà d'une religion, le shintoïsme élabore un code de respect et de complicité entre l'homme et la nature. Ce culte de la nature et de ses forces en symbiose avec l'homme s'exercera dans ces jardins japonais se présentant comme reflet du paradis. Dans cet univers, le geste de l'homme se dissout, laissant à la nature sa souveraineté. Les jardins chinois et japonais dès l'origine répondent à un état de grâce entre l'homme et l'au-delà... Ainsi, arbres et pierres de formes étranges, montagnes, rivières et éléments atmosphériques sont considérés comme des manifestations divines et sacrées.

Les arbres en nuage proviennent de cette passion de l'Empire du Soleil Levant pour le végétal, s'inscrivant dans des jardins japonais dessinés en Occident avec des préoccupations parfois plus esthétiques que religieuses. Ces arbres en nuage et ces jardins japonais nous séduisent par leur raffinement, leur graphisme et leur simplicité apparente, nous transportant vers un univers visuel exotique. Au XIXe siècle, l'engouement de l'Europe pour l'Orient a donné naissance dans l'art au «japonisme». Ce mouvement devint alors une source d'inspiration pour les peintres occidentaux tels que Monet, Van Gogh, Gauguin, ainsi qu'un grand nombre de créateurs d'oeuvres d'art. Les jardins furent aussi touchés par ce mouvement. Le jardin Albert-Kahn est un des exemples de cette ouverture et de cette curiosité pour l'Orient. La création contemporaine du jardin d'inspiration japonaise d'Erik Borja laisse entrevoir parallèlement une note extrêmement romantique et méditerranéenne. Cette mixité d'influences dans certaines parties de son jardin et la touche très personnelle, artistique, de son créateur font de ce jardin un lieu unique. Au coeur du Vercors, Christian Coureau s'inspire lui aussi dans sa démarche de cette culture japonaise de la nature, avec sa méthode personnelle de taille, accompagnant sans contrainte le graphisme de l'arbre. Son art s'exprime dans ses créations de paysages et de jardins faits de pierres, d'eau, de montagnes et de végétaux.