Madame Geoffrin

David-Weill Michel - Degout Bernard - Fumaroli Mar

SILVANA

Marie-Thérèse Geoffrin, une inconnue célèbre?par Maurice HamonÀ l'exception peut-être de l'époque contemporaine, une renommée posthume, toute vague et superficielle qu'elle ait pu être parfois, a toujours accompagné la figure de Marie-Thérèse Geoffrin, «Madame Geoffrin». Les raisons en sont multiples, mais se présentent à l'oeil de l'historien à travers un prisme aux facettes changeantes. Célèbre en son temps, madame Geoffrin l'a certes été, mais pour avoir elle-même, en virtuose des relations publiques, fixé les canons de son portrait, en faisant de quelques-uns de ses obligés de zélés et efficaces thuriféraires. Le XIXe siècle, lui, l'a adulée, tout à la recherche, de Sainte-Beuve aux Goncourt, de l'image de la Femme, symbole du raffinement de la société du temps. Le célèbre tableau de Lemonnier - un superbe faux historique - les a précédés, en installant le cadre d'une vulgate dont le succès ne se démentira pas. Il représente le «salon» de la rue Saint-Honoré à une date arbitraire (1755) comme le condensé de tous les autres, le symbole-phare d'une société des Lumières qui serait tout à la fois la cause explicative et le moteur du rayonnement français dans l'Europe du XVIIIe siècle. Ce n'est pas un hasard si la commande du tableau par l'impératrice Joséphine est contemporaine de la réédition, en 1812, par les soins de l'abbé Morellet, des Éloges de Mme Geoffrin (1777) pour contrer la publication des lettres de madame du Deffand, jugées être un dénigrement de ce même XVIIIe siècle.Reprendre aujourd'hui ce parcours historiographique là où il a été laissé il y a plus d'un siècle par Pierre de Ségur dans son Royaume de la rue Saint-Honoré, c'est interroger à nouveau, à la source, un vaste ensemble de documents, dont beaucoup inédits, pour savoir quel regard neuf peut porter notre XXIe siècle commençant sur une figure aussi iconique. À la mort de madame Geoffrin, la comtesse de La Marck annonçant la nouvelle à Gustave III, familier du salon et qui avait appris à Paris son accession au trône, se contente d'une brève épitaphe, pour ajouter que personne n'avait jamais compris comment Marie-Thérèse Geoffrin était parvenue à la position qu'elle avait occupée en Europe, ni pourquoi elle y était parvenue. De son côté la duchesse d'Abrantès s'étonnera encore, dans la même veine, en 1837:Parmi les personnes remarquables de ce temps, de 1730 à 1780, Madame Geoffrin est sans doute une des plus dignes d'attention. C'est un type à étudier que cette femme qui, n'étant ni noble ni belle, ni excessivement riche [...] dont l'esprit n'avait pas cette même transcendance qui impose et proclame des noms, fut cependant connue comme l'étaient alors les personnages les plus distingués de cette époque (...) Il y a là un caprice du sort, amusant à étudier.La réponse tient dans la vie - la vraie - de Marie-Thérèse Geoffrin et des siens, pour peu qu'on cesse de l'enfermer dans l'histoire littéraire ou dans un rôle de protectrice des arts. C'est l'histoire d'une ascension sociale, mise au service d'une ardente ambition et d'un projet personnel, consubstantiellement liés à des intérêts matériels considérables dans la Manufacture Royale des Glaces, au service de laquelle la vitrine de la rue Saint-Honoré constituera toujours un terrain de manoeuvre privilégié.Une ascension sociale dans la société d'Ancien RégimeMarie-Thérèse Geoffrin naît à Paris le 2 juin 1699, à l'ombre de Saint-Eustache où elle est baptisée le même jour. Son environnement social et familial est caractéristique de ces «débarbouillages» à l'oeuvre dans la société du temps. Un grand-père banquier, une parentèle faite d'officiers ou de receveurs de finances, d'avocats au Parlement, d'intendants de la maison de Noailles: l'on n'a pas affaire, à proprement parler, à des bourgeois au sens où l'entendra le XIXe siècle. Quand, une fois devenue célèbre, ses contemporains la jugeront «d'obscure condition», il faut entendre par là qu'à la différence de ses futures grandes rivales elle n'est pas «née». Pourtant, son géniteur, Pierre Rodet, remarié en 1698, a été présent à la Cour dix années durant (1680-1690) parmi les commensaux subalternes de la Maison du roi. Officier de la Dauphine de Bavière en tant que valet de la garde-robe, il ne verra son ambition bridée que par le peu d'éclat de la Maison de la Dauphine, personnalité terne et ennuyeuse qui choisit une vie de recluse «entre l'ennui et la grossesse» et qui meurt tôt en 1690. Rien ne sert donc d'y côtoyer les plus beaux noms de France parmi les filles d'honneur ou auprès des Grands maîtres de la garde-robe, mais, pour autant, Pierre Rodet ne semble pas avoir négligé de mettre à profit l'exercice de ses fonctions à la Cour. Une fois la Maison de la Dauphine dispersée, il est en mesure de réaliser diverses opérations qui trahissent une très belle aisance financière: construction, pour 30 000 livres, d'une maison rue des Prouvaires, où naît sa fille, achat d'un office de «commissaire contrôleur juré mouleur de bois à la Ville de Paris», pour environ 40 000 livres. De 1680 à 1705, il aura placé près de 100 000 livres en divers produits financiers et laissera à sa mort (1706) à sa fille et un jeune frère, Louis, futur avocat au Parlement, un actif de plus de 200 000 livres.

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EAN
9788836619955
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