Penser les passions à l'âge classique

Desjardins Lucie - Dumouchel Daniel

HERMANN

L'aventure des passions aux XVIIe et XVIIIe siècles. Apogée et déclin d'une notion théorique cardinaleComme le souligne une anthologie récente de textes sur les passions, «il est certain que la préférence marquée et pour l'usage du mot "émotion" et pour l'investigation de cette notion signale une méfiance à l'égard de ce que désigne la "passion"». Au seuil d'un ouvrage consacré à la notion de passion à l'époque moderne, cette méfiance typiquement contemporaine a le mérite d'attirer l'attention sur une histoire de la compréhension de l'affectivité qui nous révèle le renversement du statut privilégié dont jouissait cette problématique dans la philosophie et la littérature des XVIIe et XVIIIe siècles. Au surplus, cette histoire est d'autant plus complexe que, sous l'apparente continuité des termes depuis l'Antiquité, les passions font l'objet d'une réflexion faite de ruptures, de remaniements, de reprises et de controverses sur les héritages. On se souviendra qu'avecLa persuasion est produite par la disposition des auditeurs, quand le discours les amène à éprouver une passion: car l'on ne rend pas les jugements de la même façon selon que l'on ressent peine ou plaisir, amitié ou haine.De ce point de vue, les passions impliquent davantage un rapport à autrui qu'un mouvement instinctif purement individuel. À ce titre, elles renferment aussi le principe d'une relation esthétique; Aristote, on le sait, s'intéresse également aux passions suscitées chez le spectateur en envisageant la purgation des passions, ou catharsis, comme la finalité de la tragédie dans la Poétique. Les passions font sans cesse l'objet de multiples descriptions, d'analyses et de représentations de manière à mieux les connaître, mieux les représenter et savoir mieux les contrôler. Objet de représentation, elles sont aussi des perturbationes, des désordres posant avant tout un problème moral. C'est cette conception de la passion comme pertubatio animi éminemment néfaste à la quiétude de l'âme qui anime toute la réflexion d'inspiration stoïcienne et que prolongera et infléchira à sa suite le christianisme. Les passions deviendront ainsi la marque de l'homme déchu, mais pourront être aussi la source de son rachat, s'il s'élève à l'amour de Dieu.Dans son Dictionnaire Universel, Antoine Furetière consacre dix entrées au terme passion:Passion, en Morale, se dit des différentes agitations de l'ame selon les divers objets qui se présentent à ses sens. Les Philosophes ne s'accordent pas sur le nombre des passions. Les passions de l'appétit concupiscible, sont la volupté et la douleur, la cupidité & la fuite, l'amour & la haine. Celles de l'appétit irascible sont la colère, l'audace, la crainte, l'espérance, & le desespoir. C'est ainsi qu'on les divise communément. Les Stoïciens en faisoient quatre genres, & se pretendoient estre exempts de toutes passions. Voyez l'Abrégé de Gassendi, & sur tout Monsieur Descartes, qui a fait un beau Traité des Passions d'une manière physique. Coeffeteau a fait le Tableau des Passions; la Chambre, les Characteres des Passions; le Père Senaut, l'Usage des Passions.

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EAN
9782705684044