Nosferatu

DRUILLET PHILIPPE

GLENAT

Touche à tout de génie, Druillet ne se présente pas plus qu'il ne se résume : il s'impose, point barre. Référence absolue d'un nouveau fantastique dans les années soixante-dix avec Les Six Voyages de Lone Sloane, Delirius, Yragaël&, fondateur en 1974 du premier journal BD dédié à la SF, Métal hurlant, Druillet est aussi connu pour ses affiches, ses sculptures, ses films d'animation et ses créations multimédia (Ring I et II). Goscinny a dit de celui qui a reçu en 1996 le Grand Prix national des Arts graphiques qu'il avait "fait exploser le récit illustré et l'a[vait] fait sortir du cadre étroit des petites cases"& L'ensemble de ses traits se retrouve dans les planches de ce splendide Nosferatu, réédition qui paraît chez Albin Michel dans une nouvelle version noir et argent de toute beauté.

Le lecteur attentif pourra compter quelques planches datées de juin 1979, de janvier 1980, et mesurer ainsi à quel point en vingt années écoulées l'interprétation druilletiste n'a pas pris une ride. Mieux encore, il semble que ce vampire-là, unique survivant de la race de ceux de "la surface" terrestre après une vague de cataclysmes technologiques, soit encore plus crédible aujourd'hui, rejoint dans son errance "terminator-cybernétique" par la vague des mutants cinématographique qui lui ont succédé. Quasi contemporain de Dark Vador et d'Alien, ce Nosferatu a de qui tenir : et ce n'est pas parce qu'il cite constamment Baudelaire, ultime création avant la néantisation, que son univers d'amas de métal et de désolation postindustrielle s'en trouve édulcoré pour autant. En effet, mû par l'irréductible envie de manger qui le taraude, le mort-vivant vorace croise en chemin (entendez : en vols planés successifs) d'autres créatures, les manchots et les charognes en particulier, ! dont il tente désespérément de se démarquer. Mais jamais la grisaille ne le cède à la griserie, démantèlement psychique rendu à merveille par le chromatisme argenté rehaussant l'horrible beauté d'une déchéance irréversible. Les séquence stylisées du vol vampiresque dans les cieux méta-atomiques demeurent les seules fulgurances du dernier des hommes avant que le métal ne le gangrène corps et âme. Un album aussi mythique que le personnage auquel il est voué, et qui illustre avec force à quel point "la [science-]fiction n'a jamais eu d'autre but que d'exorciser la mor." --Frédéric Grolleau

22,50 €
Disponible sur commande
EAN
9782226126351