Journal d'une Femen

Extrait

Avant-propos Le livre que vous tenez entre les mains ne s'inscrit pas dans ce courant à la mode de la "bande dessinée reportage". Nous, scénaristes de bande dessinée, ne disposons ni des outils ni des protections juridiques dont bénéficient les vrais journalistes. Tout au plus avons-nous nos yeux pour observer, nos oreilles pour écouter et nos cerveaux pour analyser, mouliner, triturer, digérer l'information... bref "fictionner". Alors qu'est-ce que ce livre ? Le terme le plus approprié qui me vient à l'esprit est : une fiction réaliste. De fait, dans ces pages, tout est faux... mais tout est directement issu de la réalité ! Ce livre, c'est plus de quatre années à me frotter aux lettres du mot FEMEN, dont deux passées en centaines d'heures d'interviews, de rencontres, de débats et d'observations. Quatre années passées à m'interroger sur ma propre condition de "mâle occidental" face à la déferlante de témoignages "d'amies" relatifs au "sexisme ordinaire" qu'elles subissent quotidiennement. Quatre années pendant lesquelles j'ai dû m'astreindre à répondre régulièrement à quatre questions (posées tant par des femmes que des hommes) : Avec quelle Femen couches-tu ?, Pas trop difficile d'interviewer des filles topless ?, Pourquoi t'intéresses-tu aux Femen ? T'es un mec... ou Pourquoi t'intéresses-tu à elles ? Dans quinze jours, on n'en parlera plus... En quatre ans, elles ont rejoint le dictionnaire... En quatre ans, je n'ai couché avec aucune d'entre elles... En quatre ans, je n'ai jamais vu leurs seins durant nos rencontres... En quatre ans, j'ai entretenu la douce illusion qu'un "mec" pouvait s'intéresser à la condition de ses concitoyennes. Le résultat est là, devant vos yeux, en 122 planches de bande dessinée dans lesquelles tout est fiction, mais où chaque scène, chaque case, chaque dialogue fait écho à des témoignages et des observations. Pour rendre compte de cette réalité, de sa violence psychologique [voire physique), nous avons voulu, Séverine et moi, une narration qui ne quitte jamais notre héroïne de papier et ne s'éloigne jamais de son point de vue ; une narration qui rende compte de sa perception subjective, celle d'une jeune femme d'aujourd'hui qui emprunte la voie du militantisme. De fait, ce Journal n'est certainement pas réaliste. De fait, Apolline n'est pas réelle. Pourtant, tout dans ces pages est vrai. Bonne lecture ! MICHEL DUFRANNE