Théodore. Le Passager du rêve

Ecormier Joëlle - Moynot Aurélia

OCEAN

AristophaneJe vous salue, frères de la nuit... mes frères. Je vous en prie, soyez chics, reprenez vos conversations, allons, nous sommes entre vieilles chouettes. Et toi, l'accordéon, ne t'arrête pas, continue de sangloter. Ne me faites pas cette haie de silence étonné et ces yeux ronds effarés, vous saviez bien que je finirais par vous rejoindre un soir ou l'autre, tout comme vous savez par quoi je suis passé depuis que je suis arrivé ici pour y être passés vous aussi, chacun à votre tour. Je sais trop bien ce qui se dit dans la cité. Il finira par s'y faire le vieil Aristophane, avec le temps, comme nous tous. Il se fera à ce tas de wagons déglingués dans lesquels on nous range comme dans un cimetière. Oui, il se fera au silence, aux trains qui n'arrivent plus, aux voyageurs qui ne passent plus. Au début, il restera dans sa roulotte à regarder fixement ses vieux rideaux pourpres. Le jour il ne dormira plus, il pensera à «ses voyageurs», oui, ses voyageurs... Il pensera à la jeune chauve-souris qui a pris sa place quai 19, il y a trente-deux nuits, il y en a de plus en plus, des chauves-souris. On leur a aussi donné le travail des contrôleurs, la crise des chemins de fer, on vous l'a dit aussi, il paraît que leur système de navigation est plus sûr. Oui, il paraît. A vous aussi on vous a dit que vous vous étiez assoupis une ou deux fois pendant votre service. On dit que c'est à ce signe que l'on voit que les hulottes vieillissent.Elle n'est pas belle notre médaille pour bons et nocturnes services? Elle pend dans nos wagons comme le balancier de la grande horloge de la gare. Tac. Tac. Tac. Elle remonte le passé. Une médaille, voilà tout le prix de leur gratitude.Oui, vous avez raison, il finira par se faire à tout cela, le vieil Aristophane, ou peut-être bien qu'il ne s'y fera pas. C'est cette idée affreuse qu'il n'est plus chef de gare, qu'il ne le sera jamais plus. Alors, oui, de temps en temps, il soufflera dans son sifflet, pour se rappeler le bruit que ça faisait, triiiittt... vous vous souvenez? Et il s'imaginera entendre le pas des voyageurs de la gare ouest des Rêves.Il vous manque à vous aussi, ce pas, léger parce que nu, ne dites pas le contraire, vous le ressuscitez certaines nuits lorsque la solitude est si grande qu'on rentrerait en nos ailes. Je vous entends depuis ma vieille roulotte, caché derrière mes rideaux épais, je vous entends tout comme j'entends, sous la lune blanche, le chant triste de ces bicoques qui ne rouleront plus.Moi, c'est au pas de Théodore que je pense. Un pas plus bruyant que celui des autres voyageurs, un pas qui collait au quai, inhabituel, un pas d'Éveillé, oui, mes frères, un pas d'Éveillé!

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EAN
9782362470622
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