Mystères et significations du temple maçonnique. 3e édition revue et augmentée

Geay Patrick

DERVY

Extrait de l'avant-proposÀ la fin des années soixante, Jean Baylot publia une importante enquête historique sur ce que l'on nomme toujours la "voie substituée", désignation parlante d'une sécularisation massive qui touche depuis trois siècles une partie de l'institution maçonnique. Fondée à l'origine sur une initiation de métier reliée aux mystères de la construction, la Franc-Maçonnerie avait, selon lui, été victime d'une sorte de récupération particulièrement grave de la part des courants progressistes et utopistes qui, en la noyautant, avaient complètement renversé le sens de plusieurs symboles tout en introduisant un certain nombre de concepts rigoureusement étrangers à l'Ordre, tels ceux d'évolution ou d'égalité, auxquels nous pourrions ajouter celui de tolérance, et dont la provenance est bien plutôt philosophique. La conséquence majeure de cette dangereuse déviation était, selon Jean Baylot, d'avoir dépossédé la Maçonnerie de son "contenu spécifique" essentiellement "mystique". Plusieurs mouvements en étaient responsables, celui des Illuminés de Bavière, du Carbonarisme ou encore l'idéologie paramaçonnique d'un Buonarrotti. Baylot avait cependant omis d'évoquer le courant andersonien, pourtant à l'origine de la Maçonnerie dite "moderne", et qui sur plusieurs points fondamentaux engagea l'Ordre dans une voie fermement dénoncée par Laurence Dermott et les Ancient Masons, tout au long du XVIIIe siècle. Certes, les fondateurs de la Grande Loge de Londres furent des croyants sincères et ils respectèrent jusqu'à un certain point les vieilles traditions médiévales. Cependant, ils n'en procédèrent pas moins à la déchristianisation de la Maçonnerie ou plutôt à sa "décatholicisation", inspirés qu'ils étaient par la Réforme protestante à laquelle ils adhéraient, mouvement qui se poursuivra d'ailleurs au-delà de l'acte d'Union de 1813 entre les "Anciens" et les "Modernes".Une volonté d""épuration"bien dans le goût des Lumières pour l'évacuation des mystères est aussi caractéristique de cette mouvance andersonienne visant probablement une"altération"des Old Charges et des rituels afin de minimiser leurs composantes ésotériques judéo-chrétiennes. S'il n'en avait pas été ainsi, les reproches que formula le catholique Dermott à l'encontre des"Modernes"eussent été injustifiés, ce qui ne fut pas le cas.Jean Baylot aurait donc dû remonter plus haut dans sa recherche des origines de la"Voie substituée", quitte à mettre en cause l'état d'esprit qui favorisa l'éclosion de la Grande Loge de 1717. Malgré la très grande complexité de l'histoire maçonnique, il importe en effet d'envisager toutes les étapes au cours desquelles l'institution dont il est question se modifia pour parvenir à la situation particulièrement contrastée qui est la sienne aujourd'hui.Car au problème de la laïcisation de la Maçonnerie sont venues s'ajouter d'autres difficultés plus redoutables en un sens et d'une certaine manière plus difficiles à déceler.Il reste relativement facile de démontrer à l'heure actuelle le fossé qui sépare l'acception rousseauiste de la liberté et de l'égalité d'une idée de libération par la Connaissance. De même, et nous y reviendrons, l'association entre le niveau, instrument d'architecture, et le concept d'égalité sociale, d'ailleurs caractéristique de l'iconographie révolutionnaire, pourra sembler injustifiée comme peut l'être la confusion entre la Lumière maçonnique et les lumières de la raison. Dans le même ordre d'idée, «l'acharnement à détruire toutes distinctions», si manifeste dans l'idéologie"fraternelle"des Sans-culottes, ne présente guère de similitude avec la fraternité initiatique fondée sur la révélation d'un secret."

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9782844549648
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