Mes loisirs, ou Journal d'événemens tels qu'ils parviennent à ma connoissance (1753-1789). Volume 2
Hardy Siméon-Prosper
HERMANN
Présentation
UN JANSÉNISTE FACE AU COUP MAUPEOU
La brève période couverte par le présent volume du Journal de Hardy constitue une charnière dans l'histoire longue de la monarchie française. Les réformes mises brusquement en oeuvre par le chancelier Maupeou sont la première et dernière tentative programmatique de rénovation du coeur du système: l'administration de la justice. Elles débutent par l'exil des magistrats du parlement de Paris à la fin du mois de janvier 1771 pour cause de remontrances intempestives dans l'affaire de Bretagne. Le procédé est devenu routinier depuis que le Parlement a retrouvé son droit de remontrances en 1715. Dès février pourtant, cette crise jusque là classique devient à proprement parler un coup d'État: la monarchie installe progressivement de nouvelles institutions en rayant les précédentes de la carte, alors qu'elle pratiquait autrefois sans scrupule leur empilement. Des conseils supérieurs remplacent les anciens bailliages dans le ressort du parlement de Paris, lui-même profondément amoindri dans ses prérogatives, tout comme les parlements provinciaux. Elle manifeste ainsi sa déliaison radicale d'avec la nécessité d'un fondement historique: «la monarchie n'a plus alors besoin de légitimation historique, son existence suffit à prouver ses droits.» Plus qu'une réforme technique aux conséquences limitées pour les justiciables (les procédures restent identiques, les frais ne baissent guère), il s'agit d'«une révolution sociale» attaquant les principes mêmes qui régissaient les offices royaux. La vénalité légale, une norme qui fondait l'accord entre le roi et les élites, est supprimée pour la plupart des nouvelles charges, rendant impossible leur appropriation adperpetuum par les titulaires. Il est du reste significatif que des rumeurs plus ou moins fondées prédisent alors la liquidation d'autres types d'offices (huissiers, notaires, etc.). Cette réforme élaborée pour mettre fin aux affrontements récurrents entre les parlements et le Conseil du roi et assurer la victoire du clan de Maupeou à la cour, remet ainsi en cause la définition du magistrat d'Ancien Régime, emportant avec elle la notion même de noblesse de robe définie par son lien privilégié à l'État.
Le témoignage d'un «Parisien, élevé dans les anciens principes, mais depuis trente ans mêlé par goût aux agitations du siècle, un représentant de ces classes moyennes», comme l'écrivait Aubertin en 1871, peut servir à illustrer les réactions de la bourgeoisie marchande. L'effondrement du Parlement, une structure perçue comme anhistorique, ancrée dans un passé monarchique immémorial, provoque chez les Parisiens un immense désarroi. La révolution opérée par Maupeou ébranle tout spécialement l'univers quotidien d'Hardy en brouillant ses principales références institutionnelles. La masse de son écriture et son avidité à recueillir la moindre pièce «du genre de celles qui manifestent les dispositions du public dans tous les événemens qui peuvent intéresser le bien commun» (19 mars 1771) traduisent cet affolement. C'est que ces bouleversements politiques heurtent de plein fouet le libraire désormais parvenu à l'âge des responsabilités civiques - il a 42 ans en 1771 -, aussi bien dans ses convictions personnelles que dans son identité sociale.
Prendre toute la mesure de ce choc nécessite pourtant de s'attarder un peu sur la culture religieuse du personnage. Hardy s'inscrit dans un monde profondément imprégné par un jansénisme qui n'est pas seulement synonyme de rigorisme mais correspond à une spiritualité vivante, dans laquelle la transcendance divine a conservé toute sa place. Le jansénisme forme surtout, à mon sens, la toile de fond de la socialisation des bourgeois parisiens nés, comme Hardy, vers 1730. Une fois retombée la première vague de contestation d'origine ecclésiastique et parlementaire (1713-1730), l'intensité de la querelle a rebondi grâce aux miracles du diacre Paris (1727-1740 environ), que les élites bourgeoises de la capitale se sont largement appropriés. Elle explique l'attention soutenue qu'Hardy porte aux affaires ecclésiastiques, dans sa paroisse comme à Rome. La coloration partisane s'y détache nettement par le choix des faits et la tournure polémique du commentaire qui trahit une hostilité viscérale à la bulle Unigenitus et aux jésuites, et une foi inébranlable dans la vérité des miracles du diacre Paris. Le jansénisme ne se réduit cependant pas aux ratiocinations d'un conservateur aigri, mais constitue la clef de son insertion sociale, familiale et professionnelle. Hardy est en effet étroitement lié au monde des militants jansénistes qu'il côtoie quotidiennement dans son entourage professionnel et amical, celui des rédacteurs et éditeurs du journal janséniste clandestin les Nouvelles ecclésiastiques.
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UN JANSÉNISTE FACE AU COUP MAUPEOU
La brève période couverte par le présent volume du Journal de Hardy constitue une charnière dans l'histoire longue de la monarchie française. Les réformes mises brusquement en oeuvre par le chancelier Maupeou sont la première et dernière tentative programmatique de rénovation du coeur du système: l'administration de la justice. Elles débutent par l'exil des magistrats du parlement de Paris à la fin du mois de janvier 1771 pour cause de remontrances intempestives dans l'affaire de Bretagne. Le procédé est devenu routinier depuis que le Parlement a retrouvé son droit de remontrances en 1715. Dès février pourtant, cette crise jusque là classique devient à proprement parler un coup d'État: la monarchie installe progressivement de nouvelles institutions en rayant les précédentes de la carte, alors qu'elle pratiquait autrefois sans scrupule leur empilement. Des conseils supérieurs remplacent les anciens bailliages dans le ressort du parlement de Paris, lui-même profondément amoindri dans ses prérogatives, tout comme les parlements provinciaux. Elle manifeste ainsi sa déliaison radicale d'avec la nécessité d'un fondement historique: «la monarchie n'a plus alors besoin de légitimation historique, son existence suffit à prouver ses droits.» Plus qu'une réforme technique aux conséquences limitées pour les justiciables (les procédures restent identiques, les frais ne baissent guère), il s'agit d'«une révolution sociale» attaquant les principes mêmes qui régissaient les offices royaux. La vénalité légale, une norme qui fondait l'accord entre le roi et les élites, est supprimée pour la plupart des nouvelles charges, rendant impossible leur appropriation adperpetuum par les titulaires. Il est du reste significatif que des rumeurs plus ou moins fondées prédisent alors la liquidation d'autres types d'offices (huissiers, notaires, etc.). Cette réforme élaborée pour mettre fin aux affrontements récurrents entre les parlements et le Conseil du roi et assurer la victoire du clan de Maupeou à la cour, remet ainsi en cause la définition du magistrat d'Ancien Régime, emportant avec elle la notion même de noblesse de robe définie par son lien privilégié à l'État.
Le témoignage d'un «Parisien, élevé dans les anciens principes, mais depuis trente ans mêlé par goût aux agitations du siècle, un représentant de ces classes moyennes», comme l'écrivait Aubertin en 1871, peut servir à illustrer les réactions de la bourgeoisie marchande. L'effondrement du Parlement, une structure perçue comme anhistorique, ancrée dans un passé monarchique immémorial, provoque chez les Parisiens un immense désarroi. La révolution opérée par Maupeou ébranle tout spécialement l'univers quotidien d'Hardy en brouillant ses principales références institutionnelles. La masse de son écriture et son avidité à recueillir la moindre pièce «du genre de celles qui manifestent les dispositions du public dans tous les événemens qui peuvent intéresser le bien commun» (19 mars 1771) traduisent cet affolement. C'est que ces bouleversements politiques heurtent de plein fouet le libraire désormais parvenu à l'âge des responsabilités civiques - il a 42 ans en 1771 -, aussi bien dans ses convictions personnelles que dans son identité sociale.
Prendre toute la mesure de ce choc nécessite pourtant de s'attarder un peu sur la culture religieuse du personnage. Hardy s'inscrit dans un monde profondément imprégné par un jansénisme qui n'est pas seulement synonyme de rigorisme mais correspond à une spiritualité vivante, dans laquelle la transcendance divine a conservé toute sa place. Le jansénisme forme surtout, à mon sens, la toile de fond de la socialisation des bourgeois parisiens nés, comme Hardy, vers 1730. Une fois retombée la première vague de contestation d'origine ecclésiastique et parlementaire (1713-1730), l'intensité de la querelle a rebondi grâce aux miracles du diacre Paris (1727-1740 environ), que les élites bourgeoises de la capitale se sont largement appropriés. Elle explique l'attention soutenue qu'Hardy porte aux affaires ecclésiastiques, dans sa paroisse comme à Rome. La coloration partisane s'y détache nettement par le choix des faits et la tournure polémique du commentaire qui trahit une hostilité viscérale à la bulle Unigenitus et aux jésuites, et une foi inébranlable dans la vérité des miracles du diacre Paris. Le jansénisme ne se réduit cependant pas aux ratiocinations d'un conservateur aigri, mais constitue la clef de son insertion sociale, familiale et professionnelle. Hardy est en effet étroitement lié au monde des militants jansénistes qu'il côtoie quotidiennement dans son entourage professionnel et amical, celui des rédacteurs et éditeurs du journal janséniste clandestin les Nouvelles ecclésiastiques.
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67,30 €
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EAN
9782705683979
Caractéristiques
EAN | 9782705683979 |
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Titre | Mes loisirs, ou Journal d'événemens tels qu'ils parviennent à ma connoissance (1753-1789). Volume 2 |
Auteur | Hardy Siméon-Prosper |
Editeur | HERMANN |
Largeur | 152mm |
Poids | 1002gr |
Date de parution | 13/09/2012 |
Nombre de pages | 750 |
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