Rue Stendhal

SI L'ON COMMENÇAIT L'HISTOIRE

Gela fait déjà deux semaines que Théo est parti et, pour Estéban, les grandes vacances commencent mal. L'année scolaire se terminait à peine que son meilleur ami déménageait pour Marseille.
Ils auraient quand même pu attendre la fin des vacances, ses parents, déplore-t-il. Un mois ou deux, cela n'aurait pas changé grand-chose, franchement.
Tout ça parce que la mère de Théo ne supportait plus la capitale, paraît-il; grisaille, pollution, couche d'ozone, elle en avait assez. Ce dont elle avait besoin, disait-elle, c'était de soleil. Comme si à Marseille, il n'y avait pas de trou dans la couche d'ozone ni de pollution!
Résultat des courses: le voilà tout seul, assis sur la marche du perron de l'appartement et s'ennuyant ferme.
Estéban et sa mère habitent rue Stendhal à Paris, un rez-de-chaussée donnant sur la cour de l'immeuble. C'est petit, mais comme ils ne sont crue tous les deux, depuis crue son père est parti avant même de faire sa connaissance, ils y sont plutôt bien. En plus, ils ont mis plein de pots de fleurs devant l'entrée et ça fait comme s'ils avaient un jardin... Enfin, presque.
En tout cas, Estéban aime bien habiter là car il peut voir les gens de l'immeuble aller et venir, et il se sent moins seul quand sa mère est au travail. Il a parfaitement conscience qu'il a bien plus de chance que son copain Idris Traoré du cinquième, escalier C; ils sont six dans leur deux-pièces, ou plutôt deux-pièces-un-quart si on compte le placard, comme dit M. Traoré qui a le sens de l'humour. Quand on pense que Mme Charpentier vit toute seule dans son cinq-pièces de l'escalier A, qui est celui des riches car le seul à avoir un ascenseur, on se dit qu'il y a quelque chose qui cloche quelque part.