La violence ordinaire dans les organisations. Plaidoyer pour des organisations réflexives

Herreros Gilles

ERES

Extrait de l'introductionComme le suggère le titre de cet ouvrage, ce n'est pas la violence des organisations qui va occuper mon propos mais la violence dans les organisations. La nuance pourrait paraître faible ou secondaire, elle ne l'est pas. En se référant à «la violence des organisations», on renvoie à des systèmes désincarnés dont le fonctionnement, devenu «machinique», échappe à toute forme de contrôle et au sein desquels les responsabilités de chacun ont disparu à force d'être diluées dans un «ailleurs» que désigne, commodément, le terme de système. Depuis cette perspective, l'organisation apparaît sous les traits d'un «être sans corps», selon les termes utilisés par L. Boltanski (2009) pour parler des institutions, sans tête, ni raison, se confondant avec ses finalités. Sorte de main invisible, l'organisation violente échappe au contrôle de tous, exerçant sa violence «malgré nous» et «malgré elle». Si c'est l'organisation qui est violente, alors il n'y a pas de responsabilité individuelle, ni collective. La violence surgit d'une entité quasi absente car insaisissable et contre laquelle on ne peut pas grand-chose. Énoncé trivialement, cela nous donne des propos mille fois entendus: «C'est comme ça! On n'y peut rien!»En préférant l'énoncé suivant: «la violence dans les organisations», c'est tout autre chose qui est suggéré. L'organisation apparaît comme une enveloppe (une entreprise, une administration, une association, un établissement, un collectif coordonné...) au sein de laquelle s'exerce de la violence. Dès lors, quelques questions s'imposent: quels sont les vecteurs de cette violence, ses supports, ses auteurs, ses figures, ses relais, ses éventuels laudateurs, et ses victimes bien sûr? À formulation différente, problématisation différente; le regard qui en découle ne se fixe pas aux mêmes endroits.Mais qu'entendre par ce terme de violence? Est-ce une autre déclinaison de la «souffrance» au travail, une acception synonyme de risques psychosociaux? N'y a-t-il pas une nouvelle «mode», selon les termes à l'élégance discutable de Didier Lombard, à chercher de la violence partout? Peut-on accorder de l'importance à ceux qui disent la vivre? Ne faut-il pas objectiver et donc relativiser?Je vais essayer de proposer des éléments de réponse à ces questions en essayant de démêler ce qui relève du domaine de la «souffrance» et de celui de la violence, terme dont je préciserai en outre dans quelle acception il est ici retenu (chap. 1). Mais avant cela, j'entends souligner quelques-unes des intentions de ce texte ainsi que le parti pris méthodologique et théorique qu'il recèle.

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EAN
9782749216324
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