Secret d'été

Hilderbrand Elin - Delporte Carole - Boulongne Sab

LATTES

NANTUCKET

Nantucket... Une île qui évoque des rues pavées, des maisons en brique, des bateaux de pêche, des Jeep Wrangler avec des planches de surf fixées sur les arceaux de sécurité. Mais aussi des soirées cocktails sur des pelouses verdoyantes, des banquiers vêtus de pantalons rouge passé, les pieds nus dans leurs chaussures bateau défraîchies, des fillettes aux cheveux blonds comme les blés en train de lécher un Esquimau au goût raisin, qui goutte sur leur robe gaufrée. Nantucket... Une terre d'opulence et de privilèges, une cour de récréation estivale pour les vieilles fortunes, les gamins des écoles privées, les étudiants de Boston férus de régates sur la rivière Charles.
Ainsi, peu d'étrangers (et par «étrangers», j'entends aussi bien les travailleurs journaliers qui viennent de West Bridgewater que Monica Duncombe-Cabot, dite «Muffy», qui passe ses étés sur l'île depuis son existence in utero en 1948) comprenaient que Nantucket était une vraie terre, peuplée de vraies gens. Comme partout ailleurs, l'île comptait des médecins, des chauffeurs de taxi, un capitaine de police, des plombiers, des plongeurs de restaurant et des assureurs. Ainsi que des mécaniciens, des kinésithérapeutes, des maîtres d'école, des barmen. Ces gens constituaient le coeur de Nantucket: les pasteurs, les éboueurs, les femmes au foyer, les employés de voirie qui bouchaient les nids-de-poule de Surfside Road.
Les lycéens en dernière année à Nantucket High School - vingt-sept élèves - reçurent leur diplôme le 16 juin. Ce fut l'une des premières belles journées de la saison, une journée assez chaude pour s'asseoir sur le terrain de football en regrettant de ne pas avoir mis un grand chapeau pour se protéger du soleil, comme la grand-mère de Garrick Murray.
Pénélope Alistair se tenait sur le podium. Bien qu'élève de troisième année, Penny avait été invitée à chanter l'hymne national à la cérémonie de remise de diplôme. Elle était la voix de Nantucket, une voix si pure, si éthérée qu'elle n'avait besoin d'aucun accompagnement. Nous articulions les paroles en même temps qu'elle, sans cependant oser proférer le moindre son, de peur de gâter la mélopée enchanteresse de la jeune fille.
La prestation de Penny terminée, un silence religieux s'installa, suivi d'un concert d'applaudissements. Les élèves de dernière année, assis en rangs serrés sur des gradins de fortune derrière le podium, poussèrent des cris de joie, à en faire vibrer le pompon de leur chapeau de diplômé.
Penny se rassit parmi les spectateurs, entre son frère jumeau, Hobson Alistair, et sa mère, Zoe. Deux chaises plus loin se trouvait son petit ami, Jake Randolph, au côté de son père, Jordan Randolph, propriétaire du Nantucket Standard.
Patrick Loom, major de la classe, monta sur le podium à son tour, et certains d'entre nous sentirent les larmes leur brouiller la vue. Qui ne se souvenait pas du petit Patrick en uniforme de scout, collectant de l'argent dans un pot de mayonnaise pour les victimes de l'ouragan Katrina? C'était nos enfants, les enfants de Nantucket. Cette remise de diplômes, comme toutes les autres, faisait partie de notre expérience collective, de notre réussite commune.

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EAN
9782709643825
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