La lutte pour la reconnaissance
De Machiavel à Hobbes, l'individu s'inscrit dans un rapport d'hostilité collective.
Suivant cette tradition de pensée, l'Etat n'aurait ainsi qu'un rôle de "neutralisateur" des conflits au sein de la société. Aucune dimension morale n'intervient dans ce modèle de fonctionnement, le contrat social se réduisant à un règlement qui vise à juguler la lutte de tous contre tous, chacun étant engagé dans une lutte d'intérêt.
Plutôt qu'une lutte d'intérêt Hegel voit dans les conflits l'expression d'un besoin de reconnaissance.
L'évolution sociale renvoie en ce sens à une lutte traduisant une reconnaissance mutuelle de l'individualité de chacun et s'inscrit ainsi dans une dimension morale. Au fil de l'enrichissement des rapports humains se construisant à travers l'amour, le droit et la solidarité, la personnalité humaine trouve le ciment de sa construction pour autant que chaque zone d'interaction étend la relation de reconnaissance mutuelle.
Les trois stades du rapport de reconnaissance correspondent à trois types de mépris.
Ces correspondances engagent pour chacune d'entre elles l'individu sur la voie du conflit, de la "lutte pour la reconnaissance". Ces conflits permettent d'étendre à la fois la sphère d'auto-réalisation personnelle et de l'autonomie individuelle. -- Idées clés, par Business Digest
Qu'est ce qui déclenche une lutte ? C'est l'une des questions que pose Axel Honneth dans ce livre fort bien documenté.
Question sérieuse pour l'entreprise dont l'utilisation principale des énergies consiste à entretenir voire à utiliser les luttes internes. L'entreprise est un lieu de luttes et il ne faut pas s'en plaindre, parce que c'est tout simplement un lieu de vie humaine.
L'homme et la bête. Les bêtes luttent entre elles pour des motifs de conservation individuelle ou d'espèce, la lutte est programmée par un instinct de survie et de peur qui crée la loi du plus fort. En ce sens l'homme interprété comme animal lutte dès lors qu'il se sent menacé, dès qu'il sent sa propre mort annoncée par l'autre.
Toute la philosophie politique repose et "se repose" sur cette interprétation des rapports humains et des conflits comme lutte pour la survie. Les entreprises se sont laissées prendre par cette grille d'interprétation systèmatique : les motifs des mécontentements, des revendications et des négociations sont interprétés en "intérêts" de survie et de territoire résultant de l'inégale répartition des moyens matériels d'existence. Je lutte pour gagner plus (d'argent, d'avantages, de sécurité,) là où la question devrait être je lutte pour gagner quoi ?
Vers une reconnaissance réciproque. Qu'est-ce qui est vraiment en jeu lorsque des individus, des regroupements d'individus, organisent leurs rapports sous la modalité de la lutte ? S'agit-il d'une simple logique de survie ou bien d'autres enjeux qui définissent précisément la vie comme existence humaine ? Il y a une logique morale des conflits sociaux et l'on a intérêt à comprendre cette logique si l'on veut transformer les conflits en désaccords féconds capables de créer une dynamique dans les rapports humains. Cette logique ou plutôt cette aspiration est celle de la reconnaissance réciproque des personnes, c'est celle-là qui joue dans l'entreprise sur un mode implicite et à tous les niveaux même si celle-ci se refuse à l'admettre.
Car l'entreprise préfère les problèmes aux conflits, tributaire du paradigme de la lutte pour la survie, elle ne perçoit pas les potentialités ouvertes par le véritable "enjeu" des luttes : la reconnaissance.
Face au problème qui engage l'autre à résoudre (avec des outils extérieurs et "neutres") puis à se résoudre c'est-à-dire à se soustraire de l'enjeu réel, le conflit engage l'autre à répondre, à rencontrer autrui, et c'est par cette rencontre que l'on peut gagner en efficacité : transformer le conflit en des formes plus élaborées de collaboration et d'autonomie.
La lutte est toujours lutte pour la reconnaissance et rien ne sert de se limiter au terrain de l'augmentation des salaires pour traiter le conflit, il faut identifier voire honorer le jeu qui se joue effectivement entre les personnes. Pour accéder à la conscience d'elle-même la personne humaine a besoin de se savoir et de se sentir reconnue puis confirmée dans ce qu'elle est en tant que personne (ne se réduisant ni à une bête ni à un objet), et dans ce qu'elle fait selon les fonctions professionnelles qui l'engagent.
Le mépris. Cela dit reconnaissance n'est pas connaissance, confirmation n'est pas acceptation. La reconnaissance marque cet accès à soi qui passe par l'autre par lequel je m'éprouve sujet libre et digne. Quelles que soient mes responsabilités et mon niveau de compétences, le développement de mon "je" présuppose des formes de reconnaissance réciproque dont je ressens le manque à travers l'expérience du mépris. Les relations professionnelles orchestrent souvent ce mépris, cette non reconnaissance de l'autre qui se dissout dans l'acide de nos analyses et de nos modèles managériaux. Rencontrer l'autre et se laisser rencontrer par lui afin de vraiment travailler ensemble, tel est l'enjeu.
De la reconnaissance à la confirmation. La reconnaissance est une lutte qui ouvre un horizon moral, l'accès à des formes plus travaillées d'autonomie, de conscience de soi et par là même de responsabilité. Cela dit elle ne doit pas se transformer en "valeur" isolée qui figerait les relations, les dégradant en système de charte ou de revendication idéologique : être reconnu.
D'une part la reconnaissance n'est jamais acquise puisque c'est son mouvement qui crée de nouvelles formes d'organisation et de travail, d'autre part, son mouvement doit être ponctué par des étapes de confirmation : être confirmé, c'est-à-dire être renforcé comme comme membre d'une communauté ou d'une entreprise mais aussi comme sujet porteur d'une histoire individuelle.
Etre confirmé n'est ni être garanti ni être assuré par l'autre ou par l'institution de sa place ou de son avenir, c'est plutôt s'engager dans une relation où la reconnaissance mutuelle libérera des énergies et des forces pour avancer.
Confirmer l'autre dans sa fonction, dans son projet, dans son équipe, c'est lui éviter de rentrer dans une logique de pure affirmation de soi qui n'est jamais qu'un mouvement de peur. -- Business Digest
Suivant cette tradition de pensée, l'Etat n'aurait ainsi qu'un rôle de "neutralisateur" des conflits au sein de la société. Aucune dimension morale n'intervient dans ce modèle de fonctionnement, le contrat social se réduisant à un règlement qui vise à juguler la lutte de tous contre tous, chacun étant engagé dans une lutte d'intérêt.
Plutôt qu'une lutte d'intérêt Hegel voit dans les conflits l'expression d'un besoin de reconnaissance.
L'évolution sociale renvoie en ce sens à une lutte traduisant une reconnaissance mutuelle de l'individualité de chacun et s'inscrit ainsi dans une dimension morale. Au fil de l'enrichissement des rapports humains se construisant à travers l'amour, le droit et la solidarité, la personnalité humaine trouve le ciment de sa construction pour autant que chaque zone d'interaction étend la relation de reconnaissance mutuelle.
Les trois stades du rapport de reconnaissance correspondent à trois types de mépris.
Ces correspondances engagent pour chacune d'entre elles l'individu sur la voie du conflit, de la "lutte pour la reconnaissance". Ces conflits permettent d'étendre à la fois la sphère d'auto-réalisation personnelle et de l'autonomie individuelle. -- Idées clés, par Business Digest
Qu'est ce qui déclenche une lutte ? C'est l'une des questions que pose Axel Honneth dans ce livre fort bien documenté.
Question sérieuse pour l'entreprise dont l'utilisation principale des énergies consiste à entretenir voire à utiliser les luttes internes. L'entreprise est un lieu de luttes et il ne faut pas s'en plaindre, parce que c'est tout simplement un lieu de vie humaine.
L'homme et la bête. Les bêtes luttent entre elles pour des motifs de conservation individuelle ou d'espèce, la lutte est programmée par un instinct de survie et de peur qui crée la loi du plus fort. En ce sens l'homme interprété comme animal lutte dès lors qu'il se sent menacé, dès qu'il sent sa propre mort annoncée par l'autre.
Toute la philosophie politique repose et "se repose" sur cette interprétation des rapports humains et des conflits comme lutte pour la survie. Les entreprises se sont laissées prendre par cette grille d'interprétation systèmatique : les motifs des mécontentements, des revendications et des négociations sont interprétés en "intérêts" de survie et de territoire résultant de l'inégale répartition des moyens matériels d'existence. Je lutte pour gagner plus (d'argent, d'avantages, de sécurité,) là où la question devrait être je lutte pour gagner quoi ?
Vers une reconnaissance réciproque. Qu'est-ce qui est vraiment en jeu lorsque des individus, des regroupements d'individus, organisent leurs rapports sous la modalité de la lutte ? S'agit-il d'une simple logique de survie ou bien d'autres enjeux qui définissent précisément la vie comme existence humaine ? Il y a une logique morale des conflits sociaux et l'on a intérêt à comprendre cette logique si l'on veut transformer les conflits en désaccords féconds capables de créer une dynamique dans les rapports humains. Cette logique ou plutôt cette aspiration est celle de la reconnaissance réciproque des personnes, c'est celle-là qui joue dans l'entreprise sur un mode implicite et à tous les niveaux même si celle-ci se refuse à l'admettre.
Car l'entreprise préfère les problèmes aux conflits, tributaire du paradigme de la lutte pour la survie, elle ne perçoit pas les potentialités ouvertes par le véritable "enjeu" des luttes : la reconnaissance.
Face au problème qui engage l'autre à résoudre (avec des outils extérieurs et "neutres") puis à se résoudre c'est-à-dire à se soustraire de l'enjeu réel, le conflit engage l'autre à répondre, à rencontrer autrui, et c'est par cette rencontre que l'on peut gagner en efficacité : transformer le conflit en des formes plus élaborées de collaboration et d'autonomie.
La lutte est toujours lutte pour la reconnaissance et rien ne sert de se limiter au terrain de l'augmentation des salaires pour traiter le conflit, il faut identifier voire honorer le jeu qui se joue effectivement entre les personnes. Pour accéder à la conscience d'elle-même la personne humaine a besoin de se savoir et de se sentir reconnue puis confirmée dans ce qu'elle est en tant que personne (ne se réduisant ni à une bête ni à un objet), et dans ce qu'elle fait selon les fonctions professionnelles qui l'engagent.
Le mépris. Cela dit reconnaissance n'est pas connaissance, confirmation n'est pas acceptation. La reconnaissance marque cet accès à soi qui passe par l'autre par lequel je m'éprouve sujet libre et digne. Quelles que soient mes responsabilités et mon niveau de compétences, le développement de mon "je" présuppose des formes de reconnaissance réciproque dont je ressens le manque à travers l'expérience du mépris. Les relations professionnelles orchestrent souvent ce mépris, cette non reconnaissance de l'autre qui se dissout dans l'acide de nos analyses et de nos modèles managériaux. Rencontrer l'autre et se laisser rencontrer par lui afin de vraiment travailler ensemble, tel est l'enjeu.
De la reconnaissance à la confirmation. La reconnaissance est une lutte qui ouvre un horizon moral, l'accès à des formes plus travaillées d'autonomie, de conscience de soi et par là même de responsabilité. Cela dit elle ne doit pas se transformer en "valeur" isolée qui figerait les relations, les dégradant en système de charte ou de revendication idéologique : être reconnu.
D'une part la reconnaissance n'est jamais acquise puisque c'est son mouvement qui crée de nouvelles formes d'organisation et de travail, d'autre part, son mouvement doit être ponctué par des étapes de confirmation : être confirmé, c'est-à-dire être renforcé comme comme membre d'une communauté ou d'une entreprise mais aussi comme sujet porteur d'une histoire individuelle.
Etre confirmé n'est ni être garanti ni être assuré par l'autre ou par l'institution de sa place ou de son avenir, c'est plutôt s'engager dans une relation où la reconnaissance mutuelle libérera des énergies et des forces pour avancer.
Confirmer l'autre dans sa fonction, dans son projet, dans son équipe, c'est lui éviter de rentrer dans une logique de pure affirmation de soi qui n'est jamais qu'un mouvement de peur. -- Business Digest
11,00 €
Disponible sur commande
EAN
9782070443574
Caractéristiques
EAN | 9782070443574 |
---|---|
Titre | La lutte pour la reconnaissance |
Auteur | Honneth Axel - Rusch Pierre |
Editeur | FOLIO |
Largeur | 110mm |
Poids | 170gr |
Date de parution | 07/02/2013 |
Nombre de pages | 350 |
Emprunter ce livre | Vente uniquement |