Maurice et Mahmoud

Jensen Flemming - Saint-Bonnet Andreas

GAIA

D'être réveillé dans un endroit inhabituel, dans des circonstances inhabituelles, par un bruit très, très inhabituel.Je ne savais pas quelle heure il était. Mais il faisait nuit, et j'avais enfin réussi à m'endormir. Combien de temps j'avais dormi, aucune idée, et pendant un bon moment je ne sus même pas où j'étais.Si, j'étais sur une sorte de canapé, un canapé un peu trop court. Ou alors c'était moi qui étais un peu trop long - il ne faut pas toujours rejeter la faute sur son environnement immédiat. Tiens, cette considération est le point majeur du récit que je m'apprête à faire. Mais commençons donc par une exception: si j'avais été tiré de mon sommeil, c'était de la faute de mon environnement immédiat!Très brutalement, en plus!Ce vacarme infernal aurait réveillé un mort. J'avais déjà entendu ce son, quelque part. Lentement, je commençai à me rappeler. Je l'avais entendu dans des reportages sur le Moyen-Orient, où dans une grande tour au-dessus des mosquées se tient un vieil homme barbu qui hurle à tout le village de se tenir à carreau. Ou quelque chose dans ce genre.Je dois avouer que, dans mon état de coma post-réveil, la première chose à laquelle je songeai fut les présélections pour l'Eurovision, après que l'origine des participants eut été étendue vers l'est. «Ils gagneront jamais», ai-je eu le temps de penser. En fait, c'était un appel à la prière musulman. Et la source du bruit se trouvait à l'autre bout de la pièce sombre, clignotant avec véhémence en violet et orange.Puis une porte s'ouvrit juste à côté du canapé, et j'entendis la voix de Mahmoud.«Pardon! J'aurais dû le prendre avec moi. Je n'y ai absolument pas pensé, désolé», chuchota-t-il, pour une obscure raison.Il traversa la pièce d'un pas vif, vers l'horreur clignotante, et coupa le son. Aaaaaah... ça faisait du bien.«C'était un réveil? demandai-je, toujours sous le choc.- Un cadeau de Maman», expliqua-t-il. Il avait sans doute acquiescé, mais comme je l'ai dit, il faisait noir. «Elle veut s'assurer que je n'oublie pas la prière du matin.»J'eus le temps de penser que ça ne pouvait pas être le réveil d'une seule personne. Il avait dû être conçu pour réveiller tout un village.J'étais maintenant tout à fait réveillé, et tout me revenait.Depuis un certain temps, chaque nuit, j'avais dû dormir au bureau. J'étais en plein divorce, voyez-vous. Dans ce genre de situation, on fait des tas de choses bizarres. Pas parce qu'on a envie de se comporter bizarrement, mais juste parce qu'on n'a pas le choix. Et j'ai été obligé de quitter la maison que j'habitais depuis vingt-huit ans, car il est difficile de vivre avec une personne dont on est en train de se séparer. Nous avions beaucoup trop de sujets de conversation.Quelle ironie, étant donné qu'avant cette histoire de divorce, c'était l'inverse.Les enfants ayant tous les deux déménagé, j'aurais pu dormir dans l'une de leurs chambres. Mais ça, Cathrine était contre. Ma présence la rendait irritable, et elle affirmait qu'il n'était pas dans mon intérêt qu'elle soit irritable pendant la procédure de divorce.J'avais donc rempli une valise et deux sacs plastique Carrefour, et commencé à dormir au bureau. Personne n'était au courant. Je disais simplement que j'arrivais tôt et travaillais tard le soir.

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EAN
9782847203011
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