Deux petits pas sur le sable mouillé
Julliand Anne-Dauphine
J'AI LU
À cet instant précis, j'entends résonner les mots en moi. Ils gagnent mon coeur, mon esprit, ils envahissent tout mon être: «Si tu savais...» Mercredi 1er mars. Un jour ordinaire, une fin d'hiver qui s'étire à Paris. La salle d'attente, où nous sommes depuis vingt minutes déjà, est coincée entre deux entrées du service de neurologie d'un hôpital pour enfants. De là, nous pouvons voir passer tout le monde. Chaque fois qu'une porte s'ouvre, ma respiration s'arrête. J'espère, autant que je le redoute, voir apparaître le visage de la neurologue; et savoir, enfin. Depuis son appel hier, le temps paraît interminable. «Nous savons de quoi souffre votre fille. Venez demain à quinze heures, pour que l'on vous explique. Venez avec votre mari, bien sûr.» Depuis, nous attendons.
Loïc est là, tout près, pâle, tendu. Il se lève, marche, revient, s'assied, prend un journal, le repose. Attrape ma main et la serre de toutes ses forces. Mon autre main caresse mon ventre arrondi. Un geste qui se veut apaisant pour la petite vie qui grandit là depuis cinq mois. Un geste instinctif de protection.
C'est là que je l'entends. «Si tu savais...» Cette phrase vient se graver au plus profond de moi. Je ne l'oublierai jamais. Et surtout, jamais je n'oublierai la manière dont je l'ai ressentie: elle portait la souffrance et le calme confiant de qui sait, de qui sait tout. Elle résumait à elle seule l'épreuve qui allait imprimer notre quotidien quelques minutes plus tard. A tout jamais.
Le médecin arrive enfin. Elle nous salue, s'excuse de son retard et nous entraîne dans une petite pièce isolée au fond d'un couloir. Deux personnes nous suivent, dont une spécialiste des maladies du métabolisme que nous avons déjà rencontrée.
Quand on nous présente la troisième personne, mon coeur se serre: c'est une psychologue. Et là, sans prévenir, les larmes me submergent. Avant même de savoir. Parce que d'un coup, j'ai compris. «Si tu savais...»
Il n'y a pas de tonnerre, pourtant tout gronde. Les phrases me parviennent réduites à l'essentiel. «Votre petite fille... maladie génétique grave... leucodystrophie métachromatique... atteinte dégénérative... espérance de vie très limitée...»
Non.
Mon cerveau refuse de comprendre, mon esprit se rebelle. On ne parle pas de ma Thaïs; ce n'est pas vrai; je ne suis pas là; ce n'est pas possible. Je me serre contre Loïc, mon rempart.
Alors que tout s'emmêle dans ma tête, mes lèvres formulent une phrase craintive: «Et pour notre futur bébé?
- Il y a un risque sur quatre qu'il soit atteint lui aussi. Vingt-cinq pour cent de chances...»
La foudre tombe. Devant nos pieds, un effrayant trou noir. L'avenir est réduit à néant. Pourtant, à cet instant terrible, notre instinct de survie prend le dessus durant quelques secondes, brèves mais décisives. Non, nous ne voulons pas de diagnostic prénatal. Nous voulons ce bébé. C'est la vie! Une minuscule petite lumière dans un horizon d'ébène.
Loïc est là, tout près, pâle, tendu. Il se lève, marche, revient, s'assied, prend un journal, le repose. Attrape ma main et la serre de toutes ses forces. Mon autre main caresse mon ventre arrondi. Un geste qui se veut apaisant pour la petite vie qui grandit là depuis cinq mois. Un geste instinctif de protection.
C'est là que je l'entends. «Si tu savais...» Cette phrase vient se graver au plus profond de moi. Je ne l'oublierai jamais. Et surtout, jamais je n'oublierai la manière dont je l'ai ressentie: elle portait la souffrance et le calme confiant de qui sait, de qui sait tout. Elle résumait à elle seule l'épreuve qui allait imprimer notre quotidien quelques minutes plus tard. A tout jamais.
Le médecin arrive enfin. Elle nous salue, s'excuse de son retard et nous entraîne dans une petite pièce isolée au fond d'un couloir. Deux personnes nous suivent, dont une spécialiste des maladies du métabolisme que nous avons déjà rencontrée.
Quand on nous présente la troisième personne, mon coeur se serre: c'est une psychologue. Et là, sans prévenir, les larmes me submergent. Avant même de savoir. Parce que d'un coup, j'ai compris. «Si tu savais...»
Il n'y a pas de tonnerre, pourtant tout gronde. Les phrases me parviennent réduites à l'essentiel. «Votre petite fille... maladie génétique grave... leucodystrophie métachromatique... atteinte dégénérative... espérance de vie très limitée...»
Non.
Mon cerveau refuse de comprendre, mon esprit se rebelle. On ne parle pas de ma Thaïs; ce n'est pas vrai; je ne suis pas là; ce n'est pas possible. Je me serre contre Loïc, mon rempart.
Alors que tout s'emmêle dans ma tête, mes lèvres formulent une phrase craintive: «Et pour notre futur bébé?
- Il y a un risque sur quatre qu'il soit atteint lui aussi. Vingt-cinq pour cent de chances...»
La foudre tombe. Devant nos pieds, un effrayant trou noir. L'avenir est réduit à néant. Pourtant, à cet instant terrible, notre instinct de survie prend le dessus durant quelques secondes, brèves mais décisives. Non, nous ne voulons pas de diagnostic prénatal. Nous voulons ce bébé. C'est la vie! Une minuscule petite lumière dans un horizon d'ébène.
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EAN
9782290039663
Caractéristiques
EAN | 9782290039663 |
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Titre | Deux petits pas sur le sable mouillé |
Auteur | Julliand Anne-Dauphine |
Editeur | J'AI LU |
Largeur | 110mm |
Poids | 136gr |
Date de parution | 25/05/2013 |
Nombre de pages | 249 |
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