LE GENOCIDE AU CAMBODGE. 1975-1979, Race, idéologie et pouvoir
Résumé :
Imagine-t-on les Alliés, en toute connaissance du génocide des juifs, ne déférant pas en 1945 l'amiral Dönitz au tribunal de Nuremberg, mais le maintenant au pouvoir pour contrer les ambitions de Staline ? Ce fut, toutes proportions gardées, pourtant le cas au Cambodge.
Sur une population estimée à 7 900 000 habitants, le régime de Pol Pot causa la mort de quelque 1 700 000 personnes, soit plus de 20 % de la population. L'unicité du génocide au Cambodge ne tient cependant pas seulement à ce bilan, sans égal en ce siècle, de la liquidation de presque un quart de la population d'un pays, mais à la mobilisation totale des formes raciales et sociales du crime.
L'idéologie forgée par Pol Pot et son groupe a, en effet, pour principe de restaurer la grandeur historique d'une race - la khmère. Elle détermine donc la conquête de l'appareil du Parti, dès les années soixante, puis, à partir de l'intervention américaine en 1970, la prise de contrôle systématique de toutes les zones du maquis par l'élimination, individuelle ou massive, de la vieille garde communiste et, plus largement, de ceux que l'on juge avoir un c?ur vietnamien dans un corps khmer. Elle dicte le processus mis en place dès 1970 d'éradication planifiée des minorités nationales non khmères : les Chams musulmans, les Vietnamiens, les Chinois, les Laotiens et les Thaïlandais. Elle commande enfin la division du peuple khmer en trois groupes : les " déchus " (les citadins et les minorités nationales) ; les " candidats " (le " peuple nouveau " pris dans les rets du régime de Pol Pot après la chute de Phnom Penh en avril 1975 et qui est la victime désignée de marches exténuantes, d'un travail harassant et d'une sous-nutrition intentionnelle destinés à le rééduquer) ; les " pleins droits " (le " peuple de base ", " libéré " zone par zone à partir de 1970 mais qui n'est de fait guère mieux traité que le " peuple nouveau "). " Candidats " et " pleins droits " devaient donner naissance à un peuple régénéré, à la hauteur des exigences historiques d'un Etat social égalitaire, communautaire, ethniquement épuré.
De ce génocide, nous n'avons toutefois qu'une mémoire abstraite, vague, sans contours. Car les impératifs géostratégiques des Etats-Unis et de la Chine firent que les auteurs du génocide, après leur chute, ne furent pas jugés, mais soutenus contre le Viêt Nam. Faute que la justice soit passée, l'histoire, à l'échelle des nations, cultive une sorte d'oubli. A une époque où le plus grand nombre aime à résumer les barbaries de notre siècle finissant en quelques noms de lieux et acronymes - Auschwitz, le Goulag - tout le monde, ou presque, ignore le Santebal, la terrible police secrète du régime de Pol Pot, et le centre d'exécution de Tuol Sleng. Comme s'il s'était agi d'un génocide sans importance.
Imagine-t-on les Alliés, en toute connaissance du génocide des juifs, ne déférant pas en 1945 l'amiral Dönitz au tribunal de Nuremberg, mais le maintenant au pouvoir pour contrer les ambitions de Staline ? Ce fut, toutes proportions gardées, pourtant le cas au Cambodge.
Sur une population estimée à 7 900 000 habitants, le régime de Pol Pot causa la mort de quelque 1 700 000 personnes, soit plus de 20 % de la population. L'unicité du génocide au Cambodge ne tient cependant pas seulement à ce bilan, sans égal en ce siècle, de la liquidation de presque un quart de la population d'un pays, mais à la mobilisation totale des formes raciales et sociales du crime.
L'idéologie forgée par Pol Pot et son groupe a, en effet, pour principe de restaurer la grandeur historique d'une race - la khmère. Elle détermine donc la conquête de l'appareil du Parti, dès les années soixante, puis, à partir de l'intervention américaine en 1970, la prise de contrôle systématique de toutes les zones du maquis par l'élimination, individuelle ou massive, de la vieille garde communiste et, plus largement, de ceux que l'on juge avoir un c?ur vietnamien dans un corps khmer. Elle dicte le processus mis en place dès 1970 d'éradication planifiée des minorités nationales non khmères : les Chams musulmans, les Vietnamiens, les Chinois, les Laotiens et les Thaïlandais. Elle commande enfin la division du peuple khmer en trois groupes : les " déchus " (les citadins et les minorités nationales) ; les " candidats " (le " peuple nouveau " pris dans les rets du régime de Pol Pot après la chute de Phnom Penh en avril 1975 et qui est la victime désignée de marches exténuantes, d'un travail harassant et d'une sous-nutrition intentionnelle destinés à le rééduquer) ; les " pleins droits " (le " peuple de base ", " libéré " zone par zone à partir de 1970 mais qui n'est de fait guère mieux traité que le " peuple nouveau "). " Candidats " et " pleins droits " devaient donner naissance à un peuple régénéré, à la hauteur des exigences historiques d'un Etat social égalitaire, communautaire, ethniquement épuré.
De ce génocide, nous n'avons toutefois qu'une mémoire abstraite, vague, sans contours. Car les impératifs géostratégiques des Etats-Unis et de la Chine firent que les auteurs du génocide, après leur chute, ne furent pas jugés, mais soutenus contre le Viêt Nam. Faute que la justice soit passée, l'histoire, à l'échelle des nations, cultive une sorte d'oubli. A une époque où le plus grand nombre aime à résumer les barbaries de notre siècle finissant en quelques noms de lieux et acronymes - Auschwitz, le Goulag - tout le monde, ou presque, ignore le Santebal, la terrible police secrète du régime de Pol Pot, et le centre d'exécution de Tuol Sleng. Comme s'il s'était agi d'un génocide sans importance.
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EAN
9782070747016
Caractéristiques
EAN | 9782070747016 |
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Titre | LE GENOCIDE AU CAMBODGE. 1975-1979, Race, idéologie et pouvoir |
Auteur | Kiernan Ben |
Editeur | GALLIMARD |
Largeur | 141mm |
Poids | 810gr |
Date de parution | 23/04/1998 |
Nombre de pages | 730 |
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