Batelier de l'inutile

"L'ayant rencontré plusieurs fois, je sais qu'il n'écrira jamais rien de gratuit, écrivait Henri Michaux. Ce qu'il fera connaître est important." Et Cioran lui aussi admirait "l'unité de ton et de vision" de ses écrits. Dix ans après la mort de Vincent La Soudière (1939-1993), les éditions Arfuyen ont été les premières à lancer avec Brisants (2003) la publication de son oeuvre. De nombreuses éditions ont vu le jour depuis lors, notamment au Cerf les trois forts volumes des Lettres à Didier (2010-2015) et Eschaton à La Coopérative (2022). Ecrits de 1988 à sa mort en 1993, les textes ici réunis constituent une sorte d'autobiographie mais aussi de bilan. La haute figure de Pessoa hante cette méditation : "Le secret, écrit La Soudière, c'est de laisser ta personnalité au vestiaire, et de laisser se défaire le fantôme de ton moi." C'est en se délestant de l'inutile que l'on peut devenir celui que l'on sait avoir toujours été, "source jaillissante qui n'a jamais quitté la lumière éternelle".