Amphores

Loridon Gérard

GLENAT







Extrait

Quarante-deux mètres ! Je ne sais si je ressens la narcose, mais je suis vraiment heureux. Ici, la mer est calme, d'un bleu profond, avec une belle visibilité. Nous avons quitté le bas de la roche de l'île Maire et avançons dans le bleu, en direction des Farillons. La roche apparaît de nouveau et nous repérons les antennes frémissantes d'une grosse langouste. Et du sable qui fume : des rougets de belle taille qui fouissent le fond avec leurs barbillons, sans que notre présence ne les inquiète. Le détendeur CG 45 se manifeste par des sifflements sonores lors de l'aspiration et par un lourd borborygme lors de l'expiration des bulles. J'aime ces bruits et cette ambiance si spéciale de la profondeur. Notre mentor, André Galerne, nous surveille comme une mère poule, quand soudain il fait des gestes en tous sens et nous indique une tache sur le sable : des amphores ! J'ai découvert la chasse sous-marine puis la plongée au sein du Clan Claude Sommer des Éclaireurs de France. Le scoutisme dans les années cinquante occupait une grande place dans la jeunesse de l'après-guerre. Ce mouvement était encadré par des bénévoles dévoués, préfigurant nos éducateurs et animateurs actuels. Le Clan, qui regroupait des ados, était dirigé par un ancien héros de la Résistance, André Galerne. Homme de rigueur et d'un altruisme profond, il allait s'illustrer par la suite comme plongeur sur la Calypso au Grand Congloué, et surtout créer la première entreprise de travaux sous-marins, la Sogétram. Mais nous n'en sommes pas là. Il nous avait enseigné, par des méthodes pédagogiques viriles, que la morale éducative et parentale actuelle vouerait aux gémonies, les premières connaissances nécessaires à l'immersion subaquatique. Cela se déroulait tous les mercredis soirs, dans l'ambiance hurlante et chlorée de la piscine de la rue de Pontoise à Paris. Je passerai très vite sur l'entraînement, qui faisait quand même de nous des plongeurs avertis et confirmés... par petits fonds. Il allait falloir compléter cette formation en milieu marin et en profondeur. Dans ce dessein, André Galerne avait obtenu l'autorisation et l'aide de la Station marine d'Endoume à Marseille, afin d'y organiser un stage de plongée à Pâques en 1953. Nous avons donc quitté Paris un vendredi soir, entassés dans notre camionnette «Cocotte» avec le matériel, et après une nuit et une matinée de route, nous sommes arrivés à Marseille. Nous nous sommes installés sous des tentes Marabout de l'armée, sur le terrain jouxtant le Laboratoire, au milieu de savants circonspects ; certains d'entre eux allaient profiter de notre présence pour découvrir le monde sous-marin et des microbestioles, paraît-il extraordinaires. Je passerai sur le côté camping boy scout simple et rustique... Nous n'étions pas en villégiature au Club Med, loin s'en faut. Dès le lendemain, mise à l'eau dans la crique du marégraphe située devant le Laboratoire. Ce jour-là, la plongée était pratiquée en scaphandre autonome Cousteau ou avec un scaphandre bi-bouteille Commeinhes revu par Galerne. Celui-ci avait enlevé le détendeur et le masque d'origine et y avait adapté, par un bricolage de plombier savant, un détendeur CG 45.



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EAN
9782344004821
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