AMOUR, GLOIRE ET CAC 40 - ESTHETIQUE, SEXE, ENTREPRISE, CROISSANCE, MONDIALISATION ET MEDIAS

Amour, gloire et CAC 40 ne constitue ni une histoire, ni une anthologie ni une théorie de l'art et du cinéma. Plutôt un essai sur la façon dont certaines démarches artistiques ou cinématographiques contemporaines travaillent la culture, le système économique, les mythologies et les croyances autour desquelles nos existences s'organisent. Un essai dont le sous-titre pourrait être "Esthétique, croissance, mondialisation, entreprise, temps libre et actualité".Pourquoi l'art contemporain (des années 1970 à 1999) ? Pour la liberté de mise en forme des questionnements que ne partagent aucune des autres formes d'expression - toutes dépendantes de codes et de caractéristiques spécifiques. Pourquoi le cinéma ? Pour le rôle qu'il joue dans les projections et les représentations collectives. Pourquoi tel artiste ou tel cinéaste plutôt que tel autre ? Pourquoi Bruce Nauman et pas Mike Kelley ? Pourquoi Sadie Benning et pas Chantal Akerman ? Parce qu'il est difficile de tout voir. Pourquoi les performances, les activités, les actions, les interventions dans l'espace public, les constructions ou les détournement d'objets, les propositions textuelles se revendiquant de l'art et non de la littérature ou encore les pièces sonores se définissant dans le champ des arts plastiques et non celui de la musique, les installations sonores, les installations vidéo, le cinéma, la photographie ou encore les projections d'images diapositive et pas la peinture et la sculpture ? Parce qu'il est difficile d'appréhender l'aujourd'hui avec des formes pensées pour hier. Outre la prise de conscience de l'épuisement des possibles de la peinture et de la sculpture, la sortie des formes traditionnelles de représentation au début des années 70 pour ce que l'on appelle communément les installations, les travaux conceptuels ou les performances "installations" correspondait à une prise en compte de cette inadéquation croissante entre nos modes de représentation et les récentes mutations de nos sociétés. (Walter Benjamin : "A de grands intervalles dans l'histoire, se transforme en même temps que leur mode d'existence le mode de perception des sociétés humaines. La façon dont le mode de perception s'élabore (le médium dans lequel elle s'accomplit) n'est pas seulement déterminé par la nature humaine, mais par les circonstances historiques).Si l'art est sorti du paradigme duchampien (l'importation et le détournement du monde dans l'art) et du White Cube (le refoulement de l'Histoire et la construction d'un hors temps), s'il s'est définitivement démarqué de la forme spécifique (l'autolégitimation d'une forme autonome) et du site specific (la dissolution de la forme autonome) ou encore de la forme contestataire (la mise en crise du monde et de ses modèles) et de la question des identités (la mise en crise de la norme) : où est-il ? Dans quel(s) espace(s) et dans quelle histoire ? Quel est son objet ? L'art s'assigne-t-il encore une fonction ? Ou tout du moins, en a-t-il encore le désir et les capacités ? Si depuis la deuxième moitié du XIXème siècle, l'art s'est vu progressivement dépossédé de ses champs de compétences par d'autres formes de connaissance (les sciences humaines) ou de représentation (le cinéma, la télévision, la radio, etc.), s'il a été remplacé par d'autres modes d'expression de l'imaginaire ou de satisfaction du besoin d'émotion (le sport, le spectacle, le tourisme, etc.), si enfin, sa tentative de construction d'un champ d'expérience autonome se heurte à la concurrence de toutes les formes d'expériences sensorielles ou intellectuelles offertes par le marché des loisirs et de la communication (des jeux de rôle aux dispositifs interactifs de convivialité en réseaux en passant par les parcs d'attraction ou les salles de sport), comment échapper à la logique qui consiste à mettre en forme sa propre disparition ou sa propre incapacité à produire du sens ? En cessant de se poser des questions pensées pour hier.Déplacer les questions. Renverser la logique qui consiste à placer la forme au centre des préoccupations esthétiques. Aller voir du côté du contexte d'énonciation. Si une proposition artistique n'a de sens que dans le contexte d'énonciation qu'elle se donne, appréhender ce qu'elle interroge, produit, construit dans ce même contexte. Quant à la formulation des ces questions : préférer le pluriel au singulier. Si les fonctions et les enjeux que se donne l'art sont aussi nombreux et hétérogènes que les paradigmes dans lesquels il opère, l'art ne peut plus s'appréhender comme un objet monolithique, homogène. La multiplication des formes, des questionnements et des manifestations proposés dans le champ de l'art, atteste de la disparition de l'art en tant qu'objet monolithique et homogène, stable dans ses formes et éternel dans sa lisibilité.Amour, gloire et CAC 40 ? Une tentative de rapprochement entre un certain nombre d'interrogations esthétiques et le contexte historique dans lequel elles s'inscrivent. Sortir les propositions artistiques de leur histoire spécifique (l'histoire de l'art moderne et contemporain et l'histoire du cinéma) et les articuler sur les questions que posent certaines mutations récentes de nos sociétés. De toutes les questions qui hantent les années 90, certaines semblent aujourd'hui constituer un véritable enjeu, tant sur le plan esthétique que sur le plan anthropologique, politique et social : Comment penser d'autres modes d'inscription symbolique, d'autres formes de représentation ? Comment traduire en expérience les événements auxquels nous sommes supposés participer ? Comment se représenter dans une Histoire qui semble désormais s'écrire en termes économiques et boursiers ? Comment réduire la distance entre l'Histoire telle qu'elle nous est transmise (la croissance ou le CAC 40) et les événements qui rythment mon quotidien (l'emploi du temps) ? Comment se représenter ici et maintenant ? Comment se projeter ? Beaucoup de questions, comme on le voit, fondamentales.