Une terre si froide
McKinty Adrian - Vuarnesson Florence
STOCK
La ligne bleue
L'émeute revêt une beauté particulière à présent. Arcs de flammes au-dessus des feux d'essence, sous le croissant de lune. Balises pourpres de paraboles mystiques. Phosphorescence des canons de fusils à balles en caoutchouc. Au loin, une clameur, comme venue d'un navire torpillé où les hommes seraient restés prisonniers des cales. Trombe écarlate, sifflements mouillés des cocktails Molotov au contact de surfaces solides. Et partout, les hélicos, et leurs projecteurs qui se cherchent et se trouvent, tels des amants dans le ciel de l'au-delà.
Scène vue à travers l'objectif trouble de la pluie sur Belfast.
Depuis Knockagh Mountain, j'observe avec les autres, à proximité de la Land Rover. Personne ne parle. Les mots sont inappropriés. Pour ce tableau, il faut un Picasso, pas un poète.
Policiers et émeutiers forment deux fronts irréguliers, répartis sur une dizaine de rues, dont les extrémités sont tour à tour illuminées par les flashs des reporters et les projectiles enflammés, bouteilles de lait remplies d'essence, qui tombent en roulé-boulé sur le no man's land, telles des offrandes votives à la divinité des courbes.
De temps à autre, un camp donne la charge. Les deux lignes de front se touchent alors brièvement puis se découplent, pour revenir à leur position initiale.
Il règne une puanteur de société civilisée: poudre noire, cordite, mèches à retardement, kérosène.
Ça touche à la perfection.
C'est Giselle.
Le Lac des cygnes.
Et pourtant...
Pourtant, on a le sentiment d'avoir vu mieux.
En fait, on a vu mieux pas plus tard que la semaine précédente quand, dans le bâtiment hospitalier de la prison de Maze, Bobby Sands, un commandant de l'IRA, a définitivement passé l'arme à gauche.
Bobby était un gars du coin, il venait de Newtownabbey. C'était un pilier du mouvement, comme il était d'un milieu mixte catholique-protestant et qu'il n'avait jamais tué personne. Et un barbu, un bon Jésus, ce qui ne gâchait rien.
Bobby Sands était le maitreya, le maître universel, le martyr qui allait racheter l'humanité par ses souffrances.
Lorsqu'il est mort, au soixante-sixième jour de sa grève de la faim, les quartiers catholiques de la ville se sont soulevés, poussés par la rage et la frustration.
Mais il y avait une semaine de cela et Frankie Hughes, second gréviste de la faim à avoir succombé, n'avait aucun des atouts de Bobby. Personne ne pensait que c'était Jésus. Frankie aimait tuer et il faisait ça très bien. Frankie ne pleurait pas sur les enfants morts. Pas même devant les caméras.
Et les émeutes à l'occasion de son décès donnaient l'impression d'être quelque peu... orchestrées.
L'émeute revêt une beauté particulière à présent. Arcs de flammes au-dessus des feux d'essence, sous le croissant de lune. Balises pourpres de paraboles mystiques. Phosphorescence des canons de fusils à balles en caoutchouc. Au loin, une clameur, comme venue d'un navire torpillé où les hommes seraient restés prisonniers des cales. Trombe écarlate, sifflements mouillés des cocktails Molotov au contact de surfaces solides. Et partout, les hélicos, et leurs projecteurs qui se cherchent et se trouvent, tels des amants dans le ciel de l'au-delà.
Scène vue à travers l'objectif trouble de la pluie sur Belfast.
Depuis Knockagh Mountain, j'observe avec les autres, à proximité de la Land Rover. Personne ne parle. Les mots sont inappropriés. Pour ce tableau, il faut un Picasso, pas un poète.
Policiers et émeutiers forment deux fronts irréguliers, répartis sur une dizaine de rues, dont les extrémités sont tour à tour illuminées par les flashs des reporters et les projectiles enflammés, bouteilles de lait remplies d'essence, qui tombent en roulé-boulé sur le no man's land, telles des offrandes votives à la divinité des courbes.
De temps à autre, un camp donne la charge. Les deux lignes de front se touchent alors brièvement puis se découplent, pour revenir à leur position initiale.
Il règne une puanteur de société civilisée: poudre noire, cordite, mèches à retardement, kérosène.
Ça touche à la perfection.
C'est Giselle.
Le Lac des cygnes.
Et pourtant...
Pourtant, on a le sentiment d'avoir vu mieux.
En fait, on a vu mieux pas plus tard que la semaine précédente quand, dans le bâtiment hospitalier de la prison de Maze, Bobby Sands, un commandant de l'IRA, a définitivement passé l'arme à gauche.
Bobby était un gars du coin, il venait de Newtownabbey. C'était un pilier du mouvement, comme il était d'un milieu mixte catholique-protestant et qu'il n'avait jamais tué personne. Et un barbu, un bon Jésus, ce qui ne gâchait rien.
Bobby Sands était le maitreya, le maître universel, le martyr qui allait racheter l'humanité par ses souffrances.
Lorsqu'il est mort, au soixante-sixième jour de sa grève de la faim, les quartiers catholiques de la ville se sont soulevés, poussés par la rage et la frustration.
Mais il y avait une semaine de cela et Frankie Hughes, second gréviste de la faim à avoir succombé, n'avait aucun des atouts de Bobby. Personne ne pensait que c'était Jésus. Frankie aimait tuer et il faisait ça très bien. Frankie ne pleurait pas sur les enfants morts. Pas même devant les caméras.
Et les émeutes à l'occasion de son décès donnaient l'impression d'être quelque peu... orchestrées.
33,65 €
Disponible sur commande
EAN
9782234072039
Caractéristiques
EAN | 9782234072039 |
---|---|
Titre | Une terre si froide |
Auteur | McKinty Adrian - Vuarnesson Florence |
Editeur | STOCK |
Largeur | 140mm |
Poids | 443gr |
Date de parution | 20/03/2013 |
Nombre de pages | 390 |
Emprunter ce livre | Vente uniquement |
Autres livres par l'auteur de " Une terre si froide " (McKinty Adrian - Vuarnesson Florence)
Dans la même catégorie ( Policiers )
-
-
-
Doyle Arthur Conan - Bondil Pierre - Letourneux MaSherlock Holmes Tome 2 : Les annales de Sherlock Holmes %3B Le chien des Baskerville %3B Le retour de Sh42,00 €
Ma liste d’envies
Derniers articles ajoutés
Il n’y a aucun article dans votre liste d’envies.
- Commande avant 16h : Demain dans la boîte aux lettres !
- Livraison dès 3,50 €
- Retrait gratuit
- Paiement 100% sécurisé
4,6/5 - ⭐⭐⭐⭐⭐
2448 Avis - Source Google