Vagues. La mer dans tous ses états

Monfreid Guillaume de

GLENAT







Extrait

La mer est chose étrange. Ce n'est que de l'eau, beaucoup trop salée d'ailleurs, et pourtant ça vit. La mer, c'est plein de vagues, ça remue et ça se remue. Ça saute, ça roule et se roule en boule. Ça écume, ça lèche les pieds, ça cajole puis mord sans prévenir. Ça éclabousse, ça se tortille, ça se crispe aussi, et ça fait le gros dos. La mer se déchaîne quand elle veut. Elle rigole, crache, ruse, rampe, elle fait la muette quand on ne s'y attend pas. Puis elle avale, elle rugit, déménage, assomme, et parfois vous noie très bien. Qu'y a-t-il de commun entre un homme et la mer ? Rien. Et cependant elle vous aime, et vous déteste le lendemain. Qui sait ce qui se passe dans sa tête ? Elle est si versatile qu'il faut être fou pour naviguer : c'est risquer sa vie pour des vagues, qui ne sont que de l'eau bien trop salée d'ailleurs. À la mer, tout le monde va pourtant en courant. C'est irrésistible, et cette attirance commence très jeune. D'abord avec une bouée autour de la taille, petites mains agrippées à celles de parents attentionnés, car on a tous eu un peu peur de ses rugissements et de ses dents blanches. Et puis un jour, fasciné, jamais blasé, l'enfant de deux ou trois ans est devenu plus ou moins marin, à défaut d'être amiral ou capitaine. Les vagues que ces gens-là ont vues, ils ne les oublient jamais plus. Il arrive parfois qu'ils les racontent à leurs amis tant ils les aiment. Mais les mots ne peuvent tout dire, et les qualificatifs suffire. C'est très compliqué la mer, et de plus impossible à décrire scientifiquement avec cent pour cent d'exactitude, tant les paramètres qui forment les vagues sont variés et nombreux. Il y a le vent qui bien sûr agit, mais aussi les fonds et les hauts fonds, les caps, les anses, les rochers, la Lune, les isthmes et les détroits, les restes de vieilles tempêtes, les courants, les îles, la température, la forme des côtes, la pression atmosphérique, le degré de salinité, le climat, le Soleil, les marées, la latitude, sans compter, sait-on jamais, l'âge du capitaine... La hauteur des vagues est certes un indice évident à prendre en compte pour connaître son état, mais cela ne suffit pas pour en parler avec justesse et précision, car la vague dit beaucoup d'autres choses, et les dit toutes en même temps. La vague est une cacophonie orchestrée. Sans même se pencher sur sa couleur ou sur sa forme, qu'en est-il par exemple de sa longueur, c'est-à-dire de la distance de crête à crête, de sa cambrure, de la formation de l'écume, de sa vitesse d'effondrement ? Ainsi, pour une même hauteur de vague, on aura soit une mer hachée avec une très courte distance entre crêtes, soit une houle à peine perceptible si l'onde est très longue. Et puis il y a les vagues croisées, celles qui déferlent, qui montent en pyramide, qui s'évanouissent tout à coup dans un tourbillon, ou celles qui sont molles... Les scientifiques, uniquement parce qu'ils sont scientifiques, décortiquent, découpent et cisaillent tout ce qui leur tombe sous la main. Ils séparent donc l'état de la mer comme le reste, en systèmes de vagues autonomes et autres sous-systèmes, chacun ayant son train de vagues, sa dynamique et son mouvement, donc chacun avec ses ondes et ses puissances différentes. Les scientifiques essayent de comprendre le phénomène «vague» en l'analysant afin d'espérer le prévoir. Ce qui fera l'objet d'une communication en 1957 dans le Bulletin du comité central d'océanographie et d'étude des côtes : Prévision de la houle : la méthode des densités spectro-angulaires par Gelci, Cazalé et Vassal. Sur ce point précis, d'avance, le poète et l'aquarelliste les croient sur parole, aveuglément, sans rien discuter. Ni rien y comprendre.



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EAN
9782723494984
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