Paris, de parcelles en pixels. Analyse géomatique de l'espace parisien médiéval et moderne
UN REGARD D'URBANISTE
Paul Rouet
Cette introduction à la présentation finale des résultats des travaux du groupe de recherche ALPAGE est très personnelle et parfaitement subjective. Je ne suis ni historien, ni chercheur, et pourtant j'ai été associé au projet ALPAGE dès son origine, avant même qu'il ne soit déposé à l'Agence nationale de la recherche (ANR). J'étais en effet à cette époque responsable de la Banque de données urbaines (BDU) de l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) et, à ce titre, contributeur potentiel. C'est ainsi que j'ai vu arriver dans mon bureau Hélène Noizet, que je ne connaissais pas encore. Je n'ai jamais oublié cette première rencontre, sa liberté d'esprit, sa curiosité, sa joyeuse audace, ni sa grossesse qui était déjà très avancée. Elle souhaitait trouver un plan topographique de référence du Paris actuel, à grande échelle (adresses, rues, îlots, parcelles et bâtiments avec si possible leur date de construction), pour en faire un appui destiné à géoréférencer plusieurs plans anciens et tout particulièrement le cadastre par îlots de Philibert Vasserot, et reconstituer ainsi, en coordonnées modernes, le plus ancien plan parcellaire de Paris. On lui avait dit, lors de ses diverses démarches antérieures, qu'elle trouverait tout cela à l'APUR.
Je n'ai vraiment compris le pari extraordinaire qui avait été fait par l'équipe d'ALPAGE que l'année suivante: le projet avait été retenu, Hélène m'a invité aux réunions du groupe de travail et m'a vivement conseillé, à défaut d'y participer, d'en lire les comptes rendus. Mais je me rappelle parfaitement avoir attendu (avec mauvaise conscience I) la relative détente de l'emploi du temps qui caractérise parfois le début du mois d'août, pour lire l'un de ceux-ci. J'ai gardé le souvenir de ma stupéfaction à la lecture de ce document de 73 pages! Les contributions très précises de chaque spécialiste étaient reformulées de façon détaillée dans un langage accessible, avec le souci de comprendre même les nuances des difficultés et des solutions trouvées dans chaque discipline à chaque pas d'avancement du projet. Je n'avais jamais rencontré à ce point le souci de comprendre et de se faire comprendre, le miroir de la reformulation étant garant de cette compréhension réciproque indispensable. Il s'agissait du compte rendu n° 8 du 24 mai 2007, que j'ai donc lu avec trois mois de retard: il traitait déjà, dans le détail, des problèmes de déformation du plan Vasserot pour l'arrimer, îlot par îlot, dans des coordonnées géographiques modernes. Je ne cache pas que cette «découverte» m'a fait le plus grand plaisir, étant moi-même très attaché à une formulation accessible à tout «honnête homme» même des questions techniques relativement spécialisées. Mais je sais ce qu'il en coûte de patient effort et de temps passé!
Déjà conquis, j'ai essayé par la suite (sans grand succès) de lire les autres comptes rendus sans trop de retard, pour m'apercevoir que, dans les domaines les plus éloignés des compétences que l'on prête généralement aux historiens (ou d'ailleurs aux urbanistes), par exemple la mise en place d'un site Internet et l'administration des données en ligne, l'exposé des problématiques, des outils techniques existants et enfin les choix opérés peu à peu reflétaient, autant que je puisse en juger, les dernières avancées en la matière. Je connaissais alors bien ces questions, l'APUR étant également à la recherche des outils de webmapping les mieux adaptés.
Mais je n'ai pu connaître véritablement les équipes qui ont travaillé sur ce projet, au-delà donc des comptes rendus et des contacts avec Hélène, qu'après avoir pris ma retraite. Je n'avais alors plus aucune excuse pour différer l'invitation qui m'avait été faite, en tant que contributeur, de participer aux rencontres (étalées sur deux jours depuis octobre 2008) des équipes, tantôt à Paris, tantôt à La Rochelle. J'ai ainsi participé à la rencontre des 10 et 11 septembre 2009 à La Rochelle (compte rendu de 48 pages).
Nouvel étonnement pour moi: tous les chercheurs des spécialités les plus diverses sont là simultanément. Aux côtés des historiens et archivistes, les informaticiens sont là, mais aussi les géomaticiens, du thésard au chef de labo... Et ils ne quittent pas la salle quand Caroline Bourlet expose en détail «les informations topographiques données par les rôles de taille en s'appuyant sur le plan des paroisses établi par Friedmann d'après Junié». Chapeau! Il est vrai que chaque participant est retranché derrière l'écran de son ordinateur portable, ce qui lui permet de prendre des notes, mais tout aussi bien de poursuivre ses propres travaux lorsque le sujet devient vraiment trop spécialisé (il poursuit par exemple l'amélioration des algorithmes de reconnaissance de formes) ou encore de répondre immédiatement, par consultation Internet, à une question posée, voire d'improviser une vidéo conférence avec celui qui n'a pu venir parce qu'il s'est cassé et recassé le genou (Laurent Costa) et se trouve dans le plâtre à l'autre bout de la France. Inversement, les historiens écoutent poliment l'exposé des subtilités du paramétrage des algorithmes de reconnaissance des formes et ne paraissent pas s'émouvoir outre mesure de leur caractère éminemment probabiliste. En tout cas, quelle que soit la nature de l'exposé, Hélène pose des questions, établit des connexions, fait réagir ceux qui auraient pu penser qu'une modeste et discrète indifférence, de bon aloi dans un domaine éloigné de leur terrain favori, les mettrait à l'abri d'une dangereuse prise de position sur le problème posé.
(...)
Paul Rouet
Cette introduction à la présentation finale des résultats des travaux du groupe de recherche ALPAGE est très personnelle et parfaitement subjective. Je ne suis ni historien, ni chercheur, et pourtant j'ai été associé au projet ALPAGE dès son origine, avant même qu'il ne soit déposé à l'Agence nationale de la recherche (ANR). J'étais en effet à cette époque responsable de la Banque de données urbaines (BDU) de l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR) et, à ce titre, contributeur potentiel. C'est ainsi que j'ai vu arriver dans mon bureau Hélène Noizet, que je ne connaissais pas encore. Je n'ai jamais oublié cette première rencontre, sa liberté d'esprit, sa curiosité, sa joyeuse audace, ni sa grossesse qui était déjà très avancée. Elle souhaitait trouver un plan topographique de référence du Paris actuel, à grande échelle (adresses, rues, îlots, parcelles et bâtiments avec si possible leur date de construction), pour en faire un appui destiné à géoréférencer plusieurs plans anciens et tout particulièrement le cadastre par îlots de Philibert Vasserot, et reconstituer ainsi, en coordonnées modernes, le plus ancien plan parcellaire de Paris. On lui avait dit, lors de ses diverses démarches antérieures, qu'elle trouverait tout cela à l'APUR.
Je n'ai vraiment compris le pari extraordinaire qui avait été fait par l'équipe d'ALPAGE que l'année suivante: le projet avait été retenu, Hélène m'a invité aux réunions du groupe de travail et m'a vivement conseillé, à défaut d'y participer, d'en lire les comptes rendus. Mais je me rappelle parfaitement avoir attendu (avec mauvaise conscience I) la relative détente de l'emploi du temps qui caractérise parfois le début du mois d'août, pour lire l'un de ceux-ci. J'ai gardé le souvenir de ma stupéfaction à la lecture de ce document de 73 pages! Les contributions très précises de chaque spécialiste étaient reformulées de façon détaillée dans un langage accessible, avec le souci de comprendre même les nuances des difficultés et des solutions trouvées dans chaque discipline à chaque pas d'avancement du projet. Je n'avais jamais rencontré à ce point le souci de comprendre et de se faire comprendre, le miroir de la reformulation étant garant de cette compréhension réciproque indispensable. Il s'agissait du compte rendu n° 8 du 24 mai 2007, que j'ai donc lu avec trois mois de retard: il traitait déjà, dans le détail, des problèmes de déformation du plan Vasserot pour l'arrimer, îlot par îlot, dans des coordonnées géographiques modernes. Je ne cache pas que cette «découverte» m'a fait le plus grand plaisir, étant moi-même très attaché à une formulation accessible à tout «honnête homme» même des questions techniques relativement spécialisées. Mais je sais ce qu'il en coûte de patient effort et de temps passé!
Déjà conquis, j'ai essayé par la suite (sans grand succès) de lire les autres comptes rendus sans trop de retard, pour m'apercevoir que, dans les domaines les plus éloignés des compétences que l'on prête généralement aux historiens (ou d'ailleurs aux urbanistes), par exemple la mise en place d'un site Internet et l'administration des données en ligne, l'exposé des problématiques, des outils techniques existants et enfin les choix opérés peu à peu reflétaient, autant que je puisse en juger, les dernières avancées en la matière. Je connaissais alors bien ces questions, l'APUR étant également à la recherche des outils de webmapping les mieux adaptés.
Mais je n'ai pu connaître véritablement les équipes qui ont travaillé sur ce projet, au-delà donc des comptes rendus et des contacts avec Hélène, qu'après avoir pris ma retraite. Je n'avais alors plus aucune excuse pour différer l'invitation qui m'avait été faite, en tant que contributeur, de participer aux rencontres (étalées sur deux jours depuis octobre 2008) des équipes, tantôt à Paris, tantôt à La Rochelle. J'ai ainsi participé à la rencontre des 10 et 11 septembre 2009 à La Rochelle (compte rendu de 48 pages).
Nouvel étonnement pour moi: tous les chercheurs des spécialités les plus diverses sont là simultanément. Aux côtés des historiens et archivistes, les informaticiens sont là, mais aussi les géomaticiens, du thésard au chef de labo... Et ils ne quittent pas la salle quand Caroline Bourlet expose en détail «les informations topographiques données par les rôles de taille en s'appuyant sur le plan des paroisses établi par Friedmann d'après Junié». Chapeau! Il est vrai que chaque participant est retranché derrière l'écran de son ordinateur portable, ce qui lui permet de prendre des notes, mais tout aussi bien de poursuivre ses propres travaux lorsque le sujet devient vraiment trop spécialisé (il poursuit par exemple l'amélioration des algorithmes de reconnaissance de formes) ou encore de répondre immédiatement, par consultation Internet, à une question posée, voire d'improviser une vidéo conférence avec celui qui n'a pu venir parce qu'il s'est cassé et recassé le genou (Laurent Costa) et se trouve dans le plâtre à l'autre bout de la France. Inversement, les historiens écoutent poliment l'exposé des subtilités du paramétrage des algorithmes de reconnaissance des formes et ne paraissent pas s'émouvoir outre mesure de leur caractère éminemment probabiliste. En tout cas, quelle que soit la nature de l'exposé, Hélène pose des questions, établit des connexions, fait réagir ceux qui auraient pu penser qu'une modeste et discrète indifférence, de bon aloi dans un domaine éloigné de leur terrain favori, les mettrait à l'abri d'une dangereuse prise de position sur le problème posé.
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EAN
9782842923648
Caractéristiques
EAN | 9782842923648 |
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Titre | Paris, de parcelles en pixels. Analyse géomatique de l'espace parisien médiéval et moderne |
Auteur | Noizet Hélène - Bove Boris - Costa Laurent |
Editeur | PU VINCENNES |
Largeur | 230mm |
Poids | 1623gr |
Date de parution | 12/04/2013 |
Nombre de pages | 354 |
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