L'avènement d'Hitler

Drôles de textes: des poèmes, des « actualités », un feuilleton, un choeur parlé? Ils ont tous une
caractéristique commune: chacun d'entre eux a été écrit par Jacques Prévert pendant les années 1930. Drôle d'époque! Autres temps, dira-t-on. Sans doute. Autre Histoire? Pas si sûr! De quoi parle Prévert au fil des pages de L'Avènement d'Hitler? Il égrène « les terrifiants pépins de la
réalité » de la période 1930. C'est-à-dire: la bourse et les banques qui ont vacillé; la crise économique et sociale qui détruit des vies par millions; les chômeurs qui tombent de pauvreté en misère; les nationalismes et le bellicisme qui triomphent; les dictateurs qui terrorisent leurs peuples et font main basse sur les pays voisins (« Mussolini gangster » et Hitler « l'homme de paille pour foutre le feu »); bref, le monde tel qu'il a été mis en pièces par le joyeux trio religion-totalitarisme-fric. Lucide, Prévert ne se demande pas comment cela va finir. Il connaît déjà la réponse! Il l'écrit dès 1933: « Là-bas c'est Hitler / Ici demain / [?] ce sera Tardieu ou Weygand ou un autre. » Pétain sera l'autre en question. En colère, Prévert pose de « terribles questions » à tous ceux qui versent « le sang des pauvres », aux « égorgeurs qui crient à l'assassin », au « choeur des bourreaux qui demandent justice », à « tous ceux-là » et à « beaucoup d'autres » qui entrent « fièrement à l'Elysée en faisant craquer le gravier. » Il demande des comptes pour « toutes ces coûteuses, ces ruineuses saloperies. » Pour sa part, il a choisi son camp: celui de « ceux qui attendent que ça change et qui en ont assez ». Et il chante « la fleur rouge de la liberté ». Homme de « paroles », avec les mots de la révolte et ceux de la générosité, le poète Jacques Prévert nous raconte les années 1930. Ce faisant, il nous raconte aussi les années 2010!