La philosophie face au handicap

Quentin Bertrand

ERES

Extrait de l'introductionCertains hommes ne correspondent pas tout à fait à l'image qu'un naturaliste pourrait se faire de l'être humain: il leur manque un sens, ou plusieurs; ils ne sont pas doués de mobilité; ils ne développent pas la faculté de penser comme les autres. Mais le naturaliste observe les minéraux, les végétaux et les autres vivants dits animaux. Pour envisager l'homme, il faut avoir le regard plus large, regarder en esprit. Le philosophe peut alors intervenir pour appréhender d'une autre manière les phénomènes qui s'offrent à l'expérience.La philosophie en tant que discipline peut poser des questions métaphysiques (pourquoi y a-t-il quelque chose et non pas plutôt rien?) mais elle peut aussi se mouvoir au coeur de la vie humaine en se spécifiant dès lors comme anthropologie philosophique. Penser le handicap en fait partie.Pourtant, la philosophie a peu parlé du handicap. À part Michel Foucault au XXe siècle - qui a ouvert une brèche en s'intéressant spécifiquement aux handicaps mental et psychique avec son ouvrage de référence, Folie et déraison. Histoire de la folie à l'âge classique (1961) -, il y a peu de chose à se mettre sous la dent en lien avec le handicap, dans les oeuvres des grands auteurs de l'histoire de la philosophie. La question du handicap physique, par exemple, ne donne pas lieu à des oeuvres philosophiques marquantes. Le fait du handicap n'a jamais été une question centrale des penseurs que l'on dit philosophes. Toutefois, la philosophie a ici un travail de pensée à réaliser et nous allons ainsi nous rendre compte de l'importance du handicap pour elle en ce qu'il lui impose de revoir un certain nombre de ses concepts.Commençons par nous entendre un peu avec le terme de «handicap». Ce mot nous semble tellement courant en français qu'on en oublie son apparition relativement récente. Étymologiquement le mot est certes issu d'un jeu anglais du XVIe siècle («hand in cap»: «la main dans le chapeau»), mais il ne s'agissait alors que d'un jeu de hasard où les joueurs se disputaient des objets personnels dont le prix était fixé par un arbitre. Aux XVIIIe et XIXe siècles, le terme est passé dans le domaine des courses de chevaux, où l'on assure l'égalité des chances de gagner en ajoutant des charges aux meilleurs chevaux. C'est seulement en 1917 que l'Académie française avalise son emploi dans notre langue, pour des humains, remplaçant les termes d'«infirmité» et d'«invalidité», dont les connotations commençaient à paraître trop négatives. La remédiation pourrait alors aller plus loin encore. On pourrait parler de «handicap social» pour celui qui n'est pas né dans le bon milieu. Mais c'est aux handicaps physique, mental et psychique que nous nous intéresserons dans cet ouvrage et nous n'étendrons pas le propos aux écarts par rapport à la norme sociale qui n'auraient rien à voir avec une atteinte des moyens physiques ou psychiques de l'individu.

20,00 €
Disponible sur commande
EAN
9782749238203
Découvrez également sur ce thème nos catégories Travail social et institutions , Médiation , Précarité, exclusion et racisme , MENA et protection de l’enfance , Travail interculturel , Thérapie institutionnelle dans la section Travail social