Les puissances mondiales sont-elles condamnées au déclin ?

Soutou Georges-Henri

HERMANN







Extrait

Extrait de l'introduction Mondialisme et déclin Georges-Henri Soutou, membre de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques) L'hypothèse de départ est qu'à un certain degré de puissance et de développement, les grands pays sont poussés à se «mondialiser», mais ils finissent ainsi par dépasser leurs capacités réelles et entament, sous l'effet de leur surengagement, le processus de leur déclin. Soyons bien conscients que l'on rejoint là des thèmes traditionnels de la culture occidentale, à commencer par la critique grecque de l'ubris, ou par l'Évangile : «qui s'élève sera abaissé», thème repris par la roue de fortune médiévale. Ou surtout le grand classique d'Edward Gibbon au XVIIIe siècle, The History of the Decline and Fail of the Roman Empire, sans doute l'un des livres qui ont le plus marqué la conscience historique anglo-saxonne. Rappelons une collection d'histoire universelle pour l'enseignement supérieur dans les années trente, la collection Halphen et Sagnac intitulée «Peuples et Civilisations». Le XVIe siècle, c'était «la prépondérance espagnole». Ensuite venait la «prépondérance française» avec Louis XIV. Ensuite les choses devenaient moins simples, la Grande-Bretagne ayant consacré ses efforts davantage au monde extra-européen, l'Allemagne n'ayant pas imposé clairement son leadership au niveau européen et encore moins au niveau mondial, et la collection ayant disparu avant que l'on puisse évoquer l'American Century. Tous ces volumes, certains rédigés par de grands esprits comme Henri Hauser, avaient leur intérêt, mais il est évident que l'on n'écrit plus l'histoire comme ça aujourd'hui. Soyons donc en garde contre les topoi de nos traditions littéraires, philosophiques, religieuses. Évitons les réflexes, les automatismes de langage ou de pensée, d'autant plus que les deux termes du débat, «mondialisme» et «déclin», charrient tous les deux, à côté de contenus scientifiques souvent trop vagues, on va le montrer, des charges affectives très fortes. «Décliniste», aujourd'hui, n'est pas un qualificatif indifférent dans le débat ! Néanmoins la question a été reprise très sérieusement par l'historien américain Paul Kennedy dans The Rise and Fall of the Great Powers. On voit une sorte d'allusion au titre de Gibbon ! Mais là où l'analyse de ce dernier relevait d'abord d'une vision morale, celle de Kennedy est beaucoup plus systématique : en somme, les grands États connaissent à un moment donné de leur évolution un «surengagement» (overstretch) qui les conduit à des dépenses militaires, impériales, etc., excessives, pour maintenir leur empire, dépenses qui finissent par ruiner leur économie et donc par compromettre les sources de leur puissance. On peut démontrer que cela a été l'un des problèmes fondamentaux de Rome à partir de Dioclétien, ou de l'empire de Napoléon, et une bonne partie des discussions sur la situation actuelle des États-Unis dans le monde tourne autour de cette question. L'analyse de Kennedy est en soi tout à fait pertinente, mais elle correspond sans doute à un modèle de projection mondiale ou plutôt de retrait mondial (il y a de la nostalgie de la grandeur des English-speaking people chez Paul Kennedy...) très marqué par l'expérience britannique depuis 1945 («Retreat from Empire» à partir de l'indépendance indienne en 1947, ou la décision de fermer toutes les bases «East of Suez» en 1968) ou par l'expérience américaine après la guerre du Vietnam, ou encore en ce moment, où les expéditions d'Irak et d'Afghanistan apparaissent de plus en plus comme des échecs coûteux. Plus précisément, la vision de Paul Kennedy est inspirée par une certaine lecture de ces expériences, lecture que l'on peut aussi discuter, car la réalité n'est pas toujours univoque.



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EAN
9782705684365
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