Rive de cendre. Transylvanie, Auschwitz, Mathausem

Ce récit d'une rare richesse a pour trame le piège et le trajet qui font basculer la communauté juive de Transylvanie dans le néant. Les dix-huit années de jeunesse d'Ernest Vinurel, Auschwitz et Mauthausen inclus, c'est une vie ; il est le revenant de l'autre rive, exhumé moribond d'un continent aboli. Rien pourtant n'est plus étranger à ces Mémoires que le sentiment de la fatalité. Echappant au gazage pour être promis à l'extermination par le travail, l'auteur partage ensuite, à peu près, le sort des Déportés non Juifs - parmi eux, des Résistants français. Une distance insoumise signalait déjà l'adolescent en rupture avec les traditions familiales et communautaires; l'intransigeance de l'analyste traque a fortiori la logique SS la conscience autrichienne, la complexité de la société concentrationnaire, et, sans faillir, les concepts paresseux de chance, hasard, destin. Du transfert vers Mauthausen, l'auteur note étrangement: "il n'a pas laissé de trace dans ma mémoire". Arraché à sa famille, à lui-même et à son histoire, il est au plus creux du sentiment d'exister Auschwitz, "domicile habituel des parents", dit cyniquement une fiche de l'administration SS, lue bien plus tard ! C'est dire l'énergie à laquelle on doit ce livre si substantiel et si maîtrisé, celle d'un homme déchiré entre douleur et fureur, hanté par le besoin de comprendre, et qui, tout au long de ces pages, nous parle de sa liberté.