Bois vert

"1. Je n'ai aucune expérience. Je vis dans l'ombre de ma pensée. Des heures durant, je marche. Je me parle comme à un cheval. Je suis peut-être éduqué à juger le crime une chose atroce ou à sombrer dans un trou. Le sentiment de jeunesse ne me quittera pas. Jamais une femme n'aura tellement aimé son enfant. 2. Certains croient que tout se répète. Le cerveau meurt en premier. Les pensées, en un instant, deviennent plus brûlantes. Le visage est livré, anéanti. Dès la première secousse, c'est un affreux besoin d'aide. Toutes choses, je ne les ai regardées qu'une seule fois. Je désire chacune les tenir dans la main, y faire un trait avec l'ongle. Je m'en veux d'avoir cherché ailleurs. Il faut cesser d'être enfant, les mains vides. 3. Mes pensées sont des possibilités lointaines. Des miroirs fixés trop haut sur les murs. J'avais, enfant, l'idée d'être l'ami des bêtes. Mais j'ai le coeur sec. Je me passe la main sur le visage : les anneaux s'élargissent. Je reviens dans mon pays natal. Je croyais qu'un voyage me ferait du bien. Une forêt où des oiseaux sifflent - que l'on ne voit pas." Les textes fragmentaires qui composent Bois vert sont autant d'apparitions fugaces et rayonnantes, émergences délicates d'une écriture exigeante, celle de la grâce. Conte contemporain aux accents bibliques, errance introspective ciselée de mythes, ce texte fluide et mouvant est à l'image de l'écriture qui le porte : un acte de souveraineté poétique.