Croire / Questions éternelles, réponses actuelles

Bien avant que je sois prêtre, alors que j'étais à Paris assis à mon piano, chantant pendant des nuits entières Édith Piaf, Charles Trenet, Barbara ou Léo Ferré, entre deux notes, sur un accord parfait, je vous observais, car j'ai toujours aimé aimer, autant le dire tout de suite, et sur vos regards, qui, selon les jours m'apparaissaient ardents, inquiets ou blasés, je cherchais dans tous les sens s'il y avait un sens à cette vie ou si tout simplement nous étions ensemble et en bas comme des fourmis, condamnés au travail souvent forcé, mais avec au coeur des envies folles d'amour, de bonheur, de liberté, et de ce je-ne-sais-quoi qui aurait pu nous soulever au-dessus de l'absurdité de l'existence.Les années ont passé, les mélodies courent encore dans ma mémoire, et vos visages me poursuivent... Je ne sais pas ce que vous êtes devenus, je ne sais pas si la joie est au rendez-vous de votre vie, si vous vous estimez comblés parce que vous vivez, si, tout simplement, vous êtes heureux...En tout cas, cette semaine, sur les marches de mon église, un jeune homme de vingt-cinq ans pleurait à chaudes larmes la mort de son père, et tandis que je lui tenais les mains, ce sont mille questions qui ont jailli en sanglots et qui m'ont rappelé celles que nous nous posions en cours de soirée lorsque vous m'invitiez à votre table autour d'un verre et que nous échangions ensemble sur l'essentiel de la vie, non pas comme des intellos qui se plaisent à secouer les questions en s'écoutant parler, mais comme des êtres assoiffés de lumière à force de vivre dans la demi-obscurité, cernés par le non-sens apparent de l'existence. Ces questions sur la vie, sur la mort, sur la souffrance, sur le mal, mais aussi sur Dieu, sur le Christ, sur l'Église, sur la vie éternelle, nous les avons secouées dans tous les sens et bues comme un cocktail étourdissant qui, je l'espère, n'en finit plus de vous tourner la tête, car il n'y a rien de pire, je crois, que de prétendre, la bouche tordue par la désillusion, avoir fait le tour des choses.