L'homme qui n'avait rien compris
Zirem Youcef
MICHALON
1
Je ne le reverrai plus. Telle est ma décision, irrévocable. Pourtant, jusqu'à hier soir, je ne savais pas quoi faire. Je me disais que, peut-être, une ultime discussion était encore possible. Au fond de moi, j'ignorais ce que je pouvais lui dire après tant d'absence, tant de désarroi. Maintenant cette rencontre ne pourra jamais avoir lieu. Il est parti, définitivement. La canicule a eu raison de lui. Depuis la première vague de chaleur, je savais qu'il était en danger mais je croyais qu'il allait supporter le coup. Je croyais que sa résistance n'avait pas de limite. Je croyais qu'il avait l'habitude de cette frénésie du thermomètre, lui qui avait vécu ailleurs, sous des latitudes plus chaudes. A la radio et à la télévision, j'entends les appels en direction des parents des victimes. Je ne me sens pas concerné. Des centaines de corps attendent d'être enterrés. Mon père sera certainement mis sous terre plus tard mais je ne le reverrai plus. Il est des certitudes qui s'imposent d'elles-mêmes, qu'on ne peut pas expliquer. Aujourd'hui, je commence le travail à dix-huit heures, c'est le début du week-end, il y aura beaucoup de clients au bar et surtout à la terrasse. Cela ne me dérange pas. Servir les autres, tel est mon métier depuis des années. Donner à boire et à manger aux uns et aux autres, accompagner la besogne de sourires vrais ou faux, entamer de petites palabres sur l'air du temps ou à propos des problèmes du monde meuble mon quotidien. Je m'y suis fait. Le temps s'enfuit, j'essaie simplement de m'habituer à ses spirales indéfiniment renouvelées; je n'attends rien du tout.
2.
Dans le métro, certaines Parisiennes regardent les nuages. Mais il n'y a pas de nuages dans le métro. Je comprends alors le règne impitoyable de la solitude dans cette ville pourtant si propice à l'amour. Moi aussi je suis solitaire depuis quelques années. Je fais partie de ces millions de personnes qui vivent seules, qui ont peur de s'engager, de rencontrer l'autre, de se rencontrer. Le monde d'aujourd'hui est une vaste jungle où les rapports entre les hommes et les femmes sont souvent sauvages; l'individualisme ruine, à chaque coin de rue, tout désir de rapprochement, de bonté et d'amour. Depuis que Virginie m'a quitté, je ne fais plus aucun effort pour trouver une autre compagne. Virginie m'a quitté, elle ne me supportait plus. Elle m'était devenue presque étrangère. C'est peut-être ma faute. Je l'ai poussée à voir ailleurs, je n'ai pas été à la hauteur. J'ai oublié de la cajoler comme aux premiers temps de notre rencontre. Virginie non plus n'est pas heureuse; elle n'a pas trouvé l'homme de sa vie. Je ne sais pas si je l'aime toujours, je ne sais pas si elle aussi m'aime encore. Parfois les gens se quittent sans savoir pourquoi, sans savoir ce qu'ils veulent vraiment. Parfois les gens sont complètement dépassés par les événements, par toutes ces contraintes quotidiennes qu'il faut pourtant gérer. Parfois, à Paris, les gens ne savent plus où ils vont; ils tentent de s'accrocher à quelque chose pour ne pas se perdre définitivement.
Je ne le reverrai plus. Telle est ma décision, irrévocable. Pourtant, jusqu'à hier soir, je ne savais pas quoi faire. Je me disais que, peut-être, une ultime discussion était encore possible. Au fond de moi, j'ignorais ce que je pouvais lui dire après tant d'absence, tant de désarroi. Maintenant cette rencontre ne pourra jamais avoir lieu. Il est parti, définitivement. La canicule a eu raison de lui. Depuis la première vague de chaleur, je savais qu'il était en danger mais je croyais qu'il allait supporter le coup. Je croyais que sa résistance n'avait pas de limite. Je croyais qu'il avait l'habitude de cette frénésie du thermomètre, lui qui avait vécu ailleurs, sous des latitudes plus chaudes. A la radio et à la télévision, j'entends les appels en direction des parents des victimes. Je ne me sens pas concerné. Des centaines de corps attendent d'être enterrés. Mon père sera certainement mis sous terre plus tard mais je ne le reverrai plus. Il est des certitudes qui s'imposent d'elles-mêmes, qu'on ne peut pas expliquer. Aujourd'hui, je commence le travail à dix-huit heures, c'est le début du week-end, il y aura beaucoup de clients au bar et surtout à la terrasse. Cela ne me dérange pas. Servir les autres, tel est mon métier depuis des années. Donner à boire et à manger aux uns et aux autres, accompagner la besogne de sourires vrais ou faux, entamer de petites palabres sur l'air du temps ou à propos des problèmes du monde meuble mon quotidien. Je m'y suis fait. Le temps s'enfuit, j'essaie simplement de m'habituer à ses spirales indéfiniment renouvelées; je n'attends rien du tout.
2.
Dans le métro, certaines Parisiennes regardent les nuages. Mais il n'y a pas de nuages dans le métro. Je comprends alors le règne impitoyable de la solitude dans cette ville pourtant si propice à l'amour. Moi aussi je suis solitaire depuis quelques années. Je fais partie de ces millions de personnes qui vivent seules, qui ont peur de s'engager, de rencontrer l'autre, de se rencontrer. Le monde d'aujourd'hui est une vaste jungle où les rapports entre les hommes et les femmes sont souvent sauvages; l'individualisme ruine, à chaque coin de rue, tout désir de rapprochement, de bonté et d'amour. Depuis que Virginie m'a quitté, je ne fais plus aucun effort pour trouver une autre compagne. Virginie m'a quitté, elle ne me supportait plus. Elle m'était devenue presque étrangère. C'est peut-être ma faute. Je l'ai poussée à voir ailleurs, je n'ai pas été à la hauteur. J'ai oublié de la cajoler comme aux premiers temps de notre rencontre. Virginie non plus n'est pas heureuse; elle n'a pas trouvé l'homme de sa vie. Je ne sais pas si je l'aime toujours, je ne sais pas si elle aussi m'aime encore. Parfois les gens se quittent sans savoir pourquoi, sans savoir ce qu'ils veulent vraiment. Parfois les gens sont complètement dépassés par les événements, par toutes ces contraintes quotidiennes qu'il faut pourtant gérer. Parfois, à Paris, les gens ne savent plus où ils vont; ils tentent de s'accrocher à quelque chose pour ne pas se perdre définitivement.
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EAN
9782841866823
Caractéristiques
EAN | 9782841866823 |
---|---|
Titre | L'homme qui n'avait rien compris |
Auteur | Zirem Youcef |
Editeur | MICHALON |
Largeur | 133mm |
Poids | 220gr |
Date de parution | 07/03/2013 |
Nombre de pages | 185 |
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